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Missions de maintien de la paix de l’ONU en Afrique : ne plus faire sans les Africains

Dans une ère globalement post-interventionniste où le coût de la présence des forces de sécurité étrangères dans un pays donné en termes d’image est tel qu’il ne peut plus être supporté par les puissances, ces derniers se cachent derrière des forces, soit régionales comme le Rwanda en Centrafrique ou au Mozambique, soit de même « ascendance » que les populations locales comme le Kenya en Haïti. Nouvelles générations, ces opérations de maintien de la paix effacent-elles une époque révolue ?

Le Conseil de sécurité des Nations Unies, l’organe le plus puissant de l’ONU, est l’institution principalement chargée de maintenir la paix et la sécurité internationales. Mais il est confronté à une crise de crédibilité en raison de son incapacité à résoudre les plus grands conflits mondiaux. L’un des domaines dans lesquels il est scruté de près est la façon dont il représente l’Afrique : mal.

Les pays africains sont au nombre de 54 sur les 193 membres de l’ONU et représentent 17 % de la population mondiale. Et au cours des 30 dernières années, les questions africaines ont occupé près de 50 % des réunions du Conseil de sécurité (CS) et 70 % de ses résolutions. Mais, comme le souligne le politologue Sithembile Mbete, l’Afrique est la seule région à ne pas avoir de siège permanent au Conseil.

L’appareil de paix et de sécurité de l’organisation mondiale n’a pas réussi à ramener la paix dans certaines des pires zones de conflit du continent. Or, le maintien de la paix est l’un des domaines les plus mis en exergue parmi les prérogatives du CS. Environ la moitié des opérations de maintien de la paix actuelles de l’ONU sont de simples missions de surveillance du cessez-le-feu, et les autres sont des efforts plus complexes de renforcement de l’État dans les guerres civiles.

Pourquoi ces opérations ne fonctionnent-elles pas ?

La chercheuse Alexandra Novosseloff soutient que depuis trois décennies, les opérations de paix de l’ONU tombent dans les mêmes pièges parce que les parties prenantes ne veulent pas aborder le fait que les missions de maintien de la paix doivent remplir des mandats multidimensionnels et minimiser les pertes tout en travaillant avec des budgets de plus en plus serrés. Alexander Gilder, spécialiste des opérations de paix, estime pour sa part qu’une partie du problème réside dans leur mission de « stabilisation ».

Plusieurs opérations de paix de l’ONU ont en effet inclus le mot « stabilisation » dans leur titre. Il s’agit notamment des opérations en Haïti, en République démocratique du Congo, au Mali et en République centrafricaine. Mais on ne sait pas exactement quelles activités relèvent de la stabilisation. Les missions ont toutes une similitude majeure : elles ont pour instruction de soutenir les efforts visant à étendre l’autorité de l’État.

De même, Jenna Russo, spécialiste des opérations de paix, estime que le problème réside dans l’approche adoptée pour le maintien de la paix. Les approches de stabilisation du maintien de la paix qui ont été mises en œuvre dans des pays comme le Congo, le Mali et la République centrafricaine se caractérisent par des efforts visant à neutraliser les groupes armés non étatiques et à étendre l’autorité de l’État.

De telles approches se sont révélées largement inefficaces, en partie parce qu’elles ne tiennent pas compte des facteurs locaux de conflit. Delphin Ntanyoma, chercheur, partage également cette position. Selon lui, les experts de l’ONU réduisent les causes très complexes de la violence dans l’est de la RDC à la violence intercommunautaire. Cette approche fait peu de cas des motivations des groupes armés qui ont recours à la violence.

La mission de maintien de la paix la plus coûteuse et la plus meurtrière au monde, celle du Mali, a pris fin en décembre 2023. Créée en 2013, la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (Minusma) est née alors que l’État malien était au bord de l’effondrement après les attaques de groupes terroristes et de rebelles Touaregs.

Ce qui doit changer

Mais il y a de l’espoir. Comme le souligne Lise M. Howard, spécialiste des questions de guerre et de paix, le maintien de la paix de l’ONU demeure un instrument important de paix.

Adam Day, expert en opérations de paix, explique que pour améliorer les opérations de maintien de la paix, nous pouvons tirer les leçons de ce qui a fonctionné dans le passé et recentrer l’ONU sur les tâches plus limitées mais réalisables que le maintien de la paix peut accomplir.

Alexandra Novosseloff quant à elle, plaide pour une approche plus agile : des missions aux objectifs moins ambitieux et plus atteignables, qui placeraient davantage de responsabilités sur d’autres acteurs (forces nationales, régionales, parallèles) pour consolider la sécurité de base en essayant de trouver une voie vers la paix.

Teria News avec The Conversation

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