Visite de travail à Niamey de la ministre tchadienne du Pétrole, jeudi 11 juillet. Une nouvelle étape dans la relance du projet de pipeline Niger-Tchad-Cameroun, sur fond de crise diplomatique avec le Bénin.
À la tête d’une délégation, la ministre tchadienne du Pétrole, Ndolenodji Alixe Naïbaye, a entamé une visite de travail, jeudi 11 juillet, à Niamey. Ce séjour vise principalement la relance du projet de pipeline Niger-Tchad-Cameroun alors que les vannes du brut nigérien à destination du terminal pétrolier de Sèmè sont fermées depuis le 6 juin dernier, au lendemain de l’arrestation par les autorités béninoises de cinq ressortissants Nigériens, accusés par Cotonou d’avoir tenté de s’introduire frauduleusement sur le site.
L’épisode est un énième rebondissement dans la brouille entre les deux voisins dont les racines puisent dans la posture de la CEDEAO et du Bénin au lendemain de coup d’État du 26 juillet 2023. La défiance née de cette crise communautaire n’a depuis cessé d’affecter les relations entre les deux voisins, notamment partenaires dans l’acheminement du pétrole d’Agadem vers les eaux internationales via l’oléoduc qui le connecte au port de Sèmè.
Volonté politique et financement
Le projet de pipeline Niger-Tchad-Cameroun « mérite donc notre attention et, pour ce faire, de part et d’autre, des dispositions institutionnelles ont été prises pour amener non seulement à maturité, mais à une réalisation optimale de ce projet intégrateur. »
Ndolenodji Alixe Naïbaye, ministre tchadienne du Pétrole
Lors d’un conseil des ministres tenu le 24 juin dernier, les autorités nigériennes ont mis sur pied un comité chargé d’étudier l’option de faire transiter le pétrole vers le Tchad, puis le Cameroun, semblant alors condamner le partenariat commercial avec le Bénin. C’est dans ce cadre que s’est effectuée la visite de la ministre tchadienne du Pétrole à Niamey. « Ce projet d’une importance stratégique indéniable incarne notre engagement collectif vers le développement économique durable et la coopération entre nos deux États », a à cette occasion déclaré le ministre nigérien en charge du Pétrole, Mahaman Moustapha Barké Bako, avant d’appeler les membres du comité technique à travailler « sans relâche pour un aboutissement diligent de ce projet ».
Si la volonté politique du Niger en faveur de la création d’un nouveau corridor d’acheminement de son pétrole semble inflexible, les autorités n’abordent toutefois pas l’épineuse question du financement du projet. Rappelons que les travaux du pipeline Niger-Bénin avaient été financés à hauteur de 608 milliards de francs CFA, soit 1,3 milliard de dollars, côté Bénin par la West Africa Oil Pipeline Bénin Company (WAPCO), pour un coût total de plus de 2 milliards de dollars. De plus, les travaux (ralentis par la pandémie de Covid-19), avaient couvert une période de 5 ans. Les travaux ne concerneraient cependant uniquement le corridor Niger-Tchad, le pipeline devant relier l’oléoduc existant déjà entre le Tchad et le Cameroun.
Le Tchad bientôt membre de la Confédération des États du Sahel ?
La visite de la délégation tchadienne a également porté sur la reconduction du contrat de fourniture par le Niger de gasoil au Tchad. Les bonnes relations avec le Niger et distanciation d’avec la France interrogent sur une adhésion future du Tchad à la Confédération des États du Sahel. L’amitié et la confiance entre le CNSP nigérien et Mahamat Idriss Déby Itno ont été constatées aux premières heures de la crise entre les autorités militaires de Niamey et la CEDEAO lorsque, mandaté par l’organisation sous-régionale pour engager une médiation avec les hommes du général Tiani, le président tchadien a, après une première visite à Niamey, pris ses distances avec la CEDEAO et opposé une fin de non-recevoir à une implication quelconque de son pays, ne serait-ce qu’en ouvrant son espace aérien, à une opération militaire communautaire afin de rétablir l’ancien président Mohamed Bazoum dans ses fonctions.
De plus, la lune de miel entre Paris et le régime tchadien issu de la succession contestée à Idriss Déby en avril 2021, qualifiée de coup d’Etat constitutionnel par plusieurs acteurs de la classe politique et de la société civile tchadiennes, semble passée. Soufflée par la visite, en janvier, de Mahamat Déby en Russie et le rapprochement de son allié sahélien avec Moscou, encore marqué par la visite de Sergeï Lavrov en juin à N’Djamena, la France lui aurait préféré Succès Masra lors de la présidentielle de mai dernier. Chiffon rouge de la coopération entre les régimes africains et l’Occident, pour ne rien arranger, le Tchad a accueilli en mai, une centaine de mercenaires. Si leur identité est floue, il pourrait s’agir de combattants d’Africa Corps (ex Wagner) ou de mercenaire Hongrois.