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Sénégal : Bras de fer entre Ousmane Sonko et l’Assemblée nationale

Ousmane Sonko tient tête à l’Assemblée nationale, dominée par la coalition Benno Bokk Yaakaar de Macky Sall. Trois mois après sa prise de fonction, le Premier ministre refuse d’y prononcer son discours de politique générale. L’opposition raille ses craintes de faire face à une motion de censure.

Les tensions politiques entre les pouvoirs exécutif et législatif du Sénégal découlent d’un paradoxe. D’un côté, le pays s’est doté d’un exécutif fort, représenté par le couple Diomaye-Sonko. Porté par une mobilisation populaire, il a été élu dès le premier tour avec 56% des voix. De l’autre, le pouvoir législatif est toujours détenu par une Assemblée nationale aux couleurs de l’ancien régime. C’est en effet la coalition Benno Bokk Yaakaar (BBY), installée lors des législatives de 2022, qui domine l’Hémicycle avec une majorité relative de 83 contre 42 pour Yewwi Askan Wi (dont est membre le Pastef), sur 165 sièges au total. Un contraste, mué en antagonisme ces dernières semaines, avec le retard pris par le Premier ministre Ousmane Sonko dans la présentation de son discours de politique générale.

Si dans un régime présidentiel, l’élection du chef de l’État est le scrutin qui prédomine, la Constitution sénégalaise permet que les deux pouvoirs ne soient pas alignés. En effet, bien que « bien élu », le Pastef est contraint d’attendre septembre prochain, soit deux ans après les dernières législatives, pour dissoudre l’Assemblée nationale et se doter d’une majorité lui permettant de dérouler son programme.

Le piège de Benno Bokk Yaakaar

Dans l’état actuel des forces en présence, présenter un discours de politique générale exposerait Ousmane Sonko à une motion de censure. Il pourrait alors être contraint à la démission et à celle de son gouvernement, avec la possibilité qu’il soit remplacé par un Premier ministre de BBY. Constitutionnel mais illégitime, il s’ensuivrait alors une crise institutionnelle, en bafouement des aspirations du peuple sénégalais, pourtant exprimées sans ambages le 24 mars dernier.

Afin de mieux interpeller Ousmane Sonko, samedi 29 juin, l’Assemblée nationale a annulé, au dernier moment, une séance prévue le jour même avec le ministre des Finances et du Budget, Cheikh Diba, concernant la programmation budgétaire 2025-2027. Une riposte au refus, exprimé la veille par le Premier ministre, de prononcer son discours de politique générale au motif de la présence d’un vice juridique. Selon le Pastef, la faute revient à l’ancien président Macky Sall qui a supprimé le poste de Premier ministre en 2019. Depuis, explique-t-il, la loi organique de l’Assemblée ne présente plus aucune disposition relative au Premier ministre. Le parti et son Premier ministre via un courrier daté du 28 juin, exigent donc de l’Hémicycle un toilettage du règlement intérieur de l’Assemblée avec le rétablissement du poste de Premier ministre comme préalable à la déclaration de politique générale.

Ousmane Sonko gagne-t-il du temps ?

En attendant septembre et la possibilité de dissoudre une Assemblée nationale politiquement obsolète, le flou juridique existant permet à la primature de gagner du temps. Ultime parade, en l’absence des amendements requis d’ici au 15 juillet, Ousmane Sonko évoque la possibilité de prononcer son discours de politique générale devant un assistance composée « du peuple souverain, de partenaires du Sénégal et d’un jury composé d’universitaires, d’intellectuels et d’acteurs citoyens politiques apolitiques ».

Après trois années de polarisation politique, enfin clôturée par la présidentielle de mars dernier, les crispations actuelles entre un Premier ministre jouissant politiquement de la confiance populaire et une Assemblé nationale aux couleurs désuètes, apparaissent comme le baroud d’honneur d’un camp qui se sait condamné à la relégation.

Teria News

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