Tournée africaine de Sergeï Lavrov. Après la Guinée Conakry, le ministre russe des Affaires étrangères s’est arrêté au Congo Brazzaville avant une étape très attendue au Tchad. À N’Djamena, pourrait se jouer le basculement du dernier bastion français du Sahel dans le giron de la Russie.
Pour l’étape inaugurale de sa tournée africaine, Sergeï Lavrov s’est rendu à Conakry ce lundi 3 juin pour sa première visite en Guinée depuis 2013 afin de discuter avec le président de Transition Mamadi Doumbouya d’un agenda qui est demeuré confidentiel. Le ministre russe des Affaires étrangères est ensuite attendu, au Congo Brazzaville avant un séjour très anticipé au Tchad.
Centre d’un « grand remplacement géopolitique » tel que schématisé par les acteurs lésés par la perte d’influence de l’Hexagone en Afrique et vitrine, après la Centrafrique, des ambitions et de la dynamique de Moscou sur le continent, le Sahel connaît un renversement d’alliances, globalement au profit de puissances non occidentales comme la Russie, la Chine, la Turquie ou l’Iran, depuis l’arrivée au pouvoir des régimes militaires. Si le Tchad résistait encore aux attraits de Moscou comme dernière emprise militaire et ultime partenaire privilégié de la France au Sahel, le vent semble tourner en défaveur de Paris.
Quand N’Djamena lorgne vers l’Est
Assurant une présence militaire via Wagner, devenu Africa Corps, en Libye au nord, au Niger à l’ouest, au Soudan à l’est et en République Centrafricaine au sud qui doit accueillir la première base militaire russe du continent, le Tchad de Mahamat Déby est de facto encerclé par les soldats russes. C’est conscient que cet état de fait que le désormais président tchadien, à la prise de pouvoir sanctifiée par un scrutin présidentiel contesté, a pris langue avec le chef du Kremlin lors d’une visite officielle en Russie en janvier dernier. Un séjour qui a permis à Mahamat Déby d’obtenir des assurances, voire même sécuritaires, un flou persistant sur la nationalité des 130 mercenaires qui ont atterri à N’Djamena par un discret vol de la compagnie Ethiopian Airlines le 28 avril, en pleine campagne électorale.
L’avancée de la Russie au Tchad constitue-t-elle une menace pour les intérêts français, notamment militaires, dans le pays ? Paris, qui compte actuellement un millier de soldats répartis sur trois bases militaires, ménage pourtant ce régime issu d’un coup d’État institutionnel au lendemain du décès d’Idriss Déby Itno en avril 2021. Dernier exemple en date : les félicitations d’Emmanuel Macron adressées à Mahamat Déby malgré les zones d’ombre qui entourent l’élection présidentielle du 6 mai. La France pourrait-elle toutefois subir le même sort que les militaires américains, informellement priés de quitter le Tchad ? Il ne s’agit toutefois, selon le Pentagone qui a pris les devants, que d’un retrait « partiel et temporaire » de 75 membres des forces spéciales stationnés sur la base française de N’Djamena. Des soldats américains, dont le nombre exact sur le territoire tchadien reste inconnu, resteront tout de même présents dans le pays et œuvreront contre le groupe extrémiste Boko Haram au sein d’une force opérationnelle régionale conjointe axée sur le lac Tchad.
Brazzaville pour la Libye
Après la Guinée Conakry, Sergeï Lavrov est attendu au Congo Brazzaville dans le cadre d’une visite de deux jours pour évoquer la crise libyenne. Le président Denis Sassou-Nguesso mène en effet le Comité de haut niveau sur le dossier, une initiative de l’Union africaine à laquelle le ministre russe des Affaires étrangères devrait apporter son appui alors que son pays est un acteur du conflit qui a de plus, récemment consolidé son influence dans le pays.
À la suite du Congo, le Burkina Faso pourrait être une étape de la tournée de Sergeï Lavrov, juste avant le Tchad.
Cette tournée devrait également permettre d’ajouter les dernières touches à la préparation du sommet avec les dirigeants africains prévu à Saint Pétersbourg en juillet de cette année. De plus, une réunion de ministres des Affaires étrangères africains autour de Sergeï Lavrov est prévue cet automne en Russie, à Sotchi (ville située au bord de la mer Noire), à une date encore non précisée.
Teria News