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La Centrafrique accueillera la première base militaire russe en Afrique

La Centrafrique abritera la première base militaire russe en Afrique. Pouvant accueillir jusqu’à 10.000 soldats, elle pourrait servir de quartier général aux troupes russes déployées dans d’autres pays africains. Parallèlement, Bangui accueille également la société de sécurité américaine Bancroft. Faustin-Archange Touadera ou les risques de l’ambiguïté stratégique.

Depuis 2018 et son pivot stratégique vers la Russie, la Centrafrique est la vitrine des ambitions de Moscou sur le continent africain. Agacé par l’embargo sur les armes imposé par la France via le Conseil de sécurité de l’ONU et considérant que Paris sabotait ainsi les efforts de reconquête de son territoire face à une rébellion surarmée, le gouvernement du président Touadera avait alors accueilli plusieurs centaines d’instructeurs russes pour, d’une part, assurer sa sécurité, et de l’autre, conseiller, former et équiper l’armée centrafricaine. Des troupes de mercenaires de la société paramilitaire privée Wagner sont également venues étoffer le groupe des officiers russes.

Quelques années plus tard, la Centrafrique s’apprête à abriter la première base militaire russe en Afrique. Toutefois, en dépit de la reconquête de 90% de son territoire, la coopération entre Bangui et Moscou ne s’est pas faite sans tensions. Appuyant les rapports des experts onusiens, Faustin-Archange Touadera a, à plusieurs reprises, dénoncé les violations des droits humains commises par les forces de Wagner sur les populations civiles et la prédation économique de la société de feu Evguéni Prigojine sur les ressources minières du pays.

Point d’ancrage stratégique de la Russie en Afrique

« La Russie construira une base militaire russe en Centrafrique où le nombre de militaires russes qui contribuent à la formation de l’armée et à la lutte contre les groupes rebelles a presque doublé depuis septembre 2023 »

Bloomberg, mardi 30 janvier, citant un conseiller du président centrafricain Faustin-Archange Touadéra

« La base militaire [russe, ndlr] sera construite. Nous avons beaucoup de Russes ici. Il est nécessaire de leur fournir une base », a pour sa part déclaré Pascal Bida Koyagbele. Le conseiller principal du président centrafricain a cependant ajouté que « l’emplacement exact de la base reste top secret » et que le gouvernement « est encore en train d’analyser plusieurs sites ». Toujours selon Pascal Koyagbele, le nombre de militaires russes en République centrafricaine a presque doublé depuis septembre 2023 pour atteindre près de 2000 hommes, le signe que le partenariat sécuritaire avec la Russie « s’est intensifié ».

Depuis plusieurs années, Moscou est en quête d’un territoire où construire sa première base militaire africaine. Un projet qui a subi un revers avec la chute d’Omar El-Béchir en 2019 alors que l’ancien président soudanais et Vladimir Poutine avaient, en 2017, signé un accord visant à installer une base navale russe à Port-Soudan. Les ambitions russes ont ainsi été percutées par le changement de régime à Khartoum et le rapprochement des acteurs de la Transition avec les États-Unis.

L’ambiguïté stratégique de Bangui

Parallèlement au renforcement de son partenariat sécuritaire avec Moscou, Bangui s’ouvre à l’influence américaine. Dans un jeu d’équilibriste délicat, Faustin-Archange Touadera maintient sa coopération avec la Russie tout en contrebalançant l’emprise de Wagner, désormais jugée encombrante, avec l’accueil de Bancroft Global Development, une société paramilitaire américaine.

Réputée proche du département d’État, Bancroft Global Development, au double statut d’« ONG » et de société militaire privée, aurait conclu un accord formel de sécurité avec les autorités centrafricaines. Sur le fond, en plus d’actions de lobbying en faveur de la Centrafrique, l’accord prévoit deux volets principaux. D’une part, l’établissement d’une coopération technique et de formation militaire afin de renforcer les capacités de Bangui dans la surveillance des mouvements transfrontaliers des groupes rebelles qui menacent son intégrité territoriale. Pour le moment écartée, une collaboration avec les Forces armées centrafricaines (FACA) semble toutefois, à terme, inévitable. D’autre part, la création et la formation par Bancroft Global Development d’une force armée spécialisée, chargée de lutter contre l’exploitation illégale des ressources minières du pays par des groupes armés et étrangers. Une référence aux accusations souvent portées contre Wagner, dont les combattant auraient, depuis leur arrivée en 2018, mis la main sur les ressources du pays, dont la mine d’or de Ndassima.

Du côté russe, la disparition de Evgueni Prigojine a enclenché un transfert de pouvoir, le groupe paramilitaire passant sous la coupe du Kremlin. Cette restructuration de Wagner était justement l’objet de la visite du vice-ministre russe de la Défense, en septembre dernier. Iounous-Bek Yevkurov venait assurer ses partenaires centrafricains de l’engagement continu de Wagner, même sous l’ère post-Prigojine. Dans ce cadre et afin de répondre aux besoins d’autres théâtres comme le Mali, le ministère russe de la Défense travaille à la création d’un « corps africain ».

Se pose alors la question de la cohabitation sur le sol centrafricain des combattants de Bancroft et « Africa Corps ». Sur une ligne de crête stratégique, Bangui accueille les agents d’intérêts antagonistes.

Teria News

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