« Nous sommes à court d’argent et bientôt à court de temps », avoue la Maison Blanche. L’administration Biden bientôt contrainte de stopper l’aide américaine à l’Ukraine ? Les réticences des élus Républicains à voter un nouveau volet d’aide pourraient compromettre la politique de soutien à Kiev. Un tournant dans le conflit russo-ukrainien.
Engagée sur plusieurs fronts, la Maison Blanche peine à créer un consensus bipartisan sur son soutien à l’Ukraine. Si la victoire des Républicains à la Chambre des représentants fin 2022 a rebattu les cartes, l’usure de l’opinion publique américaine, particulièrement à l’orée de l’échéance présidentielle de novembre 2024, accroit la pression sur l’administration Biden. D’autant, que les théâtres de guerre se multiplient, engageant les ressources financières et militaires des États-Unis, désormais sollicités aux côtés d’Israël après les attaques meurtrières du 7 octobre. Avec le Proche-Orient et le Pacifique où la marine américaine multiplie les patrouilles en soutien à ses alliés contre la Chine, combien de temps le président américain pourra-t-il maintenir sa politique d’aide à Kiev ?
Les États-Unis bientôt « à court de ressources »
« Si le Congrès n’agit pas, d’ici la fin de l’année nous serons à court de ressources pour livrer plus d’armes et d’équipements à l’Ukraine et pour fournir du matériel venant des stocks militaires américains. […] Il n’y a pas de financement magique disponible pour faire face à l’urgence. Nous sommes à court d’argent et bientôt à court de temps »
Shalanda Young, directrice du Budget de la Maison Blanche, dans un courrier adressé à Mike Johnson, chef de la Chambre des représentants, à majorité républicaine
Répondant sur X, Mike Johnson a confirmé les réticences de son parti à voter le budget présenté par la Maison Blanche, selon lui fondées sur l’absence de lisibilité dans la politique de l’exécutif. « L’administration Biden est incapable de répondre aux inquiétudes légitimes (des conservateurs) de mon groupe parlementaire sur l’absence de stratégie claire pour l’Ukraine, sur une issue au conflit, ou sur la manière de superviser l’emploi de l’argent des contribuables américains. », a-t-il expliqué. Explosif, le sujet a déjà fait voler en éclat l’unité fragile des républicains. En effet, le 3 octobre dernier, des divisions internes sur l’opportunité de voter le budget fédéral avaient coûté à Kevin McCarthy sa place de speaker de la chambre basse du Congrès. Un précédent historique. L’aile droite du parti l’accusait notamment d’avoir conclu un « accord secret » avec Joe Biden, sur une possible future enveloppe pour l’Ukraine alors que plusieurs élus préfèreraient allouer les fonds à la lutte contre l’immigration clandestine à la frontière entre les États-Unis et le Mexique.
Le 20 octobre, le président américain avait demandé au Congrès de voter une enveloppe exceptionnelle de plus de 110 milliards de dollars pour soutenir Israël, l’Ukraine, maintenir la dissuasion contre la Chine et répondre à la crise migratoire.
Perdre une guerre par proxy avec la Russie
Réagissant aux difficultés de son administration à emporter l’adhésion des républicains sur la poursuite de la politique d’aide à l’Ukraine, le conseiller à la sécurité nationale de Joe Biden, Jake Sullivan, a estimé que « le Congrès doit décider s’il faut continuer à soutenir le combat pour la liberté en Ukraine […], ou s’il ignorera les leçons que nous avons apprises de l’histoire et permettra [au président russe Vladimir] Poutine de l’emporter ».
Un éventuel lâchage américain de l’Ukraine devrait constituer un tournant dans le conflit. Alors que Kiev a reconnu l’échec de sa contre-offensive estivale et malgré le soutien européen, la fin du flux d’aides venant des États-Unis compromettrait la capacité de l’armée ukrainienne à résister à la Russie. Plus encore, elle annulerait les efforts consentis par Washington depuis février 2022, humiliant la puissance américaine à la crédibilité géopolitique engagée par le leadership assumé face à l’attaque russe à travers des milliards d’aide budgétaire, mais aussi de sévères sanctions économiques, notamment contre les hydrocarbures russes. L’incapacité de la Maison Blanche à mobiliser le soutien financier nécessaire à la poursuite de la riposte ukrainienne amorcerait un revers historique dans la dernière séquence du bras de fer par proxy que se livrent États-Unis et Russie.
Teria News