Ce jeudi 16 novembre, les citoyens de la Grande Île sont invités aux urnes. Mais avec un couvre-feu décrété sur deux nuits, le scrutin présidentiel se déroule sur fond de crise électorale. En cause : l’éligibilité du candidat sortant, Andry Rajoelina, après sa naturalisation française.
Les deux nuits de couvre-feu décrétées en amont de l’ouverture des urnes, jeudi 16 novembre, en disent long sur le climat électoral dans lequel s’inscrit le premier tour de l’élection présidentiel sur la Grande Île. « Cette décision a été prise suite à de multiples actes de sabotage qui sont survenus ces derniers temps et dans un souci de sécurité en cette période électorale », explique le Général Angelo Ravelonarivo, Préfet de Police d’Antananarivo. Notamment dans l’esprit du préfet, l’incendie suspects de trois bureaux de vote de Fokontany qui abritaient du matériel électoral de vote dans la nuit du 14 novembre. Le couvre-feu a ainsi été décrété entre 21 heures et 04 heures sur la nuit du 15 novembre, à la veille de l’élection, et dans la nuit du 16 novembre, date du scrutin.
Levée de bouclier contre la double nationalité d’Andry Rajoelina
Pomme de discorde entre le président Andry Rajoelina et l’opposition, la naturalisation française du candidat sortant en 2014, révélée en juin par la presse. Pour les adversaires d’Andry Rajoelina, l’infraction est assez grave pour crier au coup d’État institutionnel. En effet, l’article 42 du code de la nationalité stipulant que « perd la nationalité malgache, le Malgache majeur qui acquiert volontairement une nationalité étrangère », l’opposition estime Andry Rajoelina de facto hors course. Mais la justice malgache a refusé d’invalider sa candidature. Face au mur institutionnel à elle opposée, l’opposition s’est alors tournée vers la rue pour en faire un levier de pression sur le pouvoir. Mais le bras de fer urbain, engagé via l’organisation de manifestations, réprimées à coup de gaz lacrymogène par la police, n’a pas atteint ses objectifs.
Par ailleurs, les deux camps se sont également opposés sur l’intérim assuré par le Premier ministre Christian Ntsay, suite à la démission, conformément à la Constitution, de Andry Rajoelina. Alors que la vacance devait être conduite par le président du Sénat, ce dernier y a renoncé, avant, dans un second temps, de revenir sur sa décision en arguant avoir alors reçu des menaces de mort de la part du pouvoir.
Outre la binationalité d’Andry Rajoelina et les manœuvres autour de l’intérim du pouvoir, les observateurs dénoncent des pratiques clientélistes reposant sur un système de corruption établi par le parti présidentiel. Transparency international accuse notamment la formation d’avoir utilisé les listes électorales pour organiser une distribution de nourriture et de diverses denrées. « On a une illustration parfaite de l’utilisation des structures étatiques à des fins de campagne électorale, ce qui est formellement interdit par la loi », regrette Ketakandriana Rafitoson, directrice exécutive de l’antenne malgache de l’ONG.
Appels au boycott
Malgré les revers juridiques essuyés et la faible mobilisation de ses partisans dans les rues, l’opposition, composée de dix personnalités, notamment deux ex-présidents et d’anciens ministres, rassemblée au sein d’un collectif, appelle au boycott du scrutin, après avoir échoué à suspendre le processus électoral. « Nous refusons l’élection de jeudi et nous appelons tous les Malgaches à considérer que cette élection n’existe pas », a déclaré au nom du collectif le candidat et opposant Hajo Andrianainarivelo. Notons que le scrutin a déjà été reporté d’une semaine suite à la blessure d’un candidat lors d’une manifestation.
Quelle sera l’incidence de cet appel sur le corps électoral ? Lors du précédent scrutin présidentiel de 2018, la participation au premier tour avait été inférieure à 55%. À 49 ans, Andry Rajoelina lui, espère un K.O. Élu cinq ans plus tôt, le chef d’État sortant avait déjà présidé aux destinées du pays en 2009, après qu’une mutinerie ait renversé l’ex-président, Marc Ravalomanana. Mais son bilan est plus que mitigé, nombre de promesses électorales et une grande partie du programme gouvernemental n’ayant pas été engagé.
Selon la Banque mondiale, 75 % des Malgaches vivent en dessous du seuil de pauvreté. De plus, près de la moitié de la population n’a pas accès à l’eau et seulement 12 % à l’assainissement. Une situation sociale qui discrédite les élites qui se sont succédées depuis l’indépendance, comme la classe politique actuelle, et risque de peser sur la participation au scrutin de ce jeudi.
Teria News