Art & Culture

« Les Héroïnes » : L’ingénieuse Reine Ririkumutima

Pour ses détracteurs, elle fut Machiavel faite femme. La Reine Ririkumutima du Burundi fut au centre des intrigues de palais pour la conquête du pouvoir. Sans état d’âme, elle déplaça tous les pions, un par un, pour assurer à elle et sa descendance un avenir à la tête du royaume.

De son nom complet, Mwamikazi Nidi Ririkumutima Bizama hitanzimiza Mwezi, Ririkumutima naquit au royaume du Burundi dont le territoire correspond à celui de l’actuel Burundi, situé dans l’Afrique des Grands Lacs, en Afrique de l’Est. Elle sera l’une des huit épouses du Roi Mwezi gwabo qui régnera de 1850 à 1908.

Surnommée « Bizima bitazimiza mwezi » par le Roi, ce qui signifie littéralement « Celle qui ne fait pas dévier le Roi », elle était sa préférée, celle avec qui il passait le plus de temps. De son union avec le Roi naquirent cinq enfants : Karabona, Bishinga, Nduwumwe, Bangura et Naganguzi.

Très intelligente et favorite du Roi Mwezi gwabo, Ririkumutima souhaitait logiquement voir l’un de ses fils succéder au souverain tandis que le monarque ne voyait pas les choses de la même façon. Ce dernier aurait plutôt souhaité que sa succession s’exécute selon la tradition ancestrale, dans l’application des coutumes jusque-là respectées depuis des générations et qui concède la succession à l’héritier le plus âgé. Ce paradoxe entre le monarque et sa préférée sera à l’origine de nombreuses manigances sordides dont elle sera l’auteure, habituée qu’elle était à ne jamais perdre.

Une place prépondérante sur la scène politique

Connu pour son intégrité, malgré les cartes jouées par Ririkumutima pour l’emmener à choisir l’un de ses fils comme son successeur, le monarque ne céda point. Il cacha donc à Ririkumutima son choix qui portait plutôt sur Mutaga Mbikije, son fils issu d’une relation extra-conjugale et que la Reine elle-même avait élevé. Elle en sera déçue et la régence du nouveau Roi Mutaga Mbikije, consacré à l’âge de quinze ans et aîné des enfants de Ririkumutimaa, en fut affectée. Dès le début en effet, le règne de Mutaga Mbikije sera semé d’embûches, confronté à de nombreuses difficultés : celle en effet que tout le monde prenait pour sa mère, allait devenir sa pire ennemie.

Au premier abord, la Reine Ririkumutima était une ancienne membre du cercle de régence. Bénéficiant de cet atout, elle en usera dès l’intronisation du nouveau Roi. Elle sera à l’origine de l’assassinat de Ntibanyiha, la mère biologique du nouveau Roi afin de l’écarter de toute prétention à la place de Reine-Mère. Par ailleurs, la Reine usera de force pour arriver à son autre fin, celle de pouvoir faire accéder au trône le fruit de ses entrailles. Aidée par ses fils Bangura, Nduwumwe et Karabona, les demi-frères du nouveau Roi, elle concoctera un stratagème pour y parvenir.

La fin justifie les moyens : le conflit passionnel 

Ririkumutima participait à la vie politique du royaume, tout en ayant son objectif premier en tête. Un évènement viendra lui faciliter la tâche.

Ngezahayo était une jeune dame promise à Bangura, l’un des cinq enfants de la Reine Ririkumutima. Avec son frère Nduwumwe, ils surprirent le Roi Mutaga à faire de façon effrénée la cour à Ngezahayo. Il s’ensuivit une violente altercation lorsque le choix final de la femme porta sur le Roi et non Bangura. Ce dernier rentra dans une colère sombre. Son frère Nduwumwe prit sa défense. Face à cette scène, le Roi blessa son frère fautif. Les deux frères blesseront à leur tour le jeune Monarque.

En secret et aidée par leur mère, ils complotèrent l’assassinat du Roi Mutaga qui succombera. Ngezahayo, la veuve sera également éliminée. Ririkumutima sera intronisée Reine-Mère. Elle sera une femme politique qui farouchement, s’opposera aux forces militaires colonisatrices successives, allemandes et belges. Elle décédera en Juillet 1917. 

Une figure féminine centrale de l’histoire du Burundi

Après ce rôle effervescent dans l’histoire du territoire de l’actuel Burundi, Ririkumutima est aujourd’hui célèbre dans la mémoire collective des Burundais cependant, les sentiments demeurent mitigés.

En effet, pour certains elle fut une reine machiavélique prête à tout pour atteindre ses objectifs. Qualifiée de traîtresse et de monstre, Ririkumutima enlevait de son chemin tous les moyens qui pourraient l’empêcher d’atteindre ses buts. Sans être la première femme du Roi, elle parvient tout de même à être finalement Reine-Mère. Pour la thèse opposée, c’est justement, de ce fait que découlent sa bravoure ou son mérite. 

Pour ces derniers, les détracteurs de la Reine-Mère écartent le fait que les combats de Ririkumutima étaient en réalité ceux de la politique à l’époque. En effet, pour la Reine, assumer la fonction de Reine-Mère lui permettait d’asseoir et d’étendre son influence. Cette deuxième thèse penche davantage en faveur d’une analyse de la politique que la Reine menait (puisque c’est ce qu’elle recherchait) plutôt que sur le fait qu’elle ait été méchante ou pas. Les colons allemands et belges parleront d’une Reine qui avait un grand contrôle du pouvoir qu’elle exerçait aux côtés de ses fils.

Durant sa régence qui en réalité ressemblait plus à un règne, Ririkumutima s’employa à étendre l’influence de ses fils et de sa lignée, les Banyakarama. Et le comble de son insolence et de sa méchanceté se manifestera lorsqu’elle partagera les terres des Bavubikiro (ethnie exterminée parce que tenue injustement pour responsable de la mort de Mutaga) entre son fils Nduwumwe, ses parents et son gendre, le munyakrama Rutuna, mari de sa fille Inabayengero.

En réalité, sa haine pour les Bavubikiro avait une origine sombre et scandaleuse. Pour couronner son règne macabre, Ririkumutima aurait entretenu une longue liaison avec l’un des sages de la cour de Mwezi Gisabo. Ceci fut connu de l’un des membres du clan Bavubikiro. Craignant que ce dernier aille ébruiter l’affaire, elle décida donc d’exterminer tout le clan en usant du prétexte qu’il complotait pour éliminer le Roi Mutaga, qu’elle-même éliminera plutôt avec l’aide de ses fils. On retient finalement qu’aucune autre femme n’aura autant marqué l’histoire du Burundi.

Maggy Lynn

Articles similaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Bouton retour en haut de la page