Faut-il tuer le soldat Sonko en vue de la présidentielle de 2024 ? Le Conseil constitutionnel décapite l’opposition avant les législatives du 31 juillet prochain en jugeant « irrecevable » la candidature des titulaires de la coalition Yewwi Askan Wi, menée par Ousmane Sonko. Macky Sall dévoile-t-il ses cartes en amont de la présidentielle ?
Ce fut un séisme au pays de la Teranga. Confirmant un arrêté du ministère de l’intérieur jugeant « irrecevable » la liste nationale des titulaires de la principale coalition d’opposition Yewwi Askan Wi, vendredi 3 juin, le Conseil constitutionnel a définitivement mis fin aux ambitions d’Ousmane Sonko, tête de liste auprès de figures de l’opposition sénégalaise comme Aïda Mbodj et Cheikh Tidiane Youm. Arguant que la coalition a investi deux fois la même candidate, Anta Touré, comme titulaire et suppléante, le pouvoir confirme paradoxalement, s’il le fallait encore, le statut d’Ousmane Sonko comme premier opposant au président Macky Sall.
Faut-il tuer le soldat Sonko ?
Après la décision de son ministre, le chef d’État sénégalais donne par ailleurs du grain à moudre à ceux qui murmurent qu’il craint un nouvel affrontement avec le leader du Pastef qui lui a siphonné la mairie de Ziguinchor, première ville de Casamance. Craignant qu’Ousmane Sonko ne réédite cet exploit qui, le mettrait de facto en orbite pour la présidentielle de 2024, l’exécutif sénégalais fait-il feu de tous bois pour disqualifier un adversaire redoutable ? La question se pose d’autant plus que le président sénégalais entretient toujours le flou sur ses intentions. Mais les actes peuvent parler autant que les mots, surtout quand ces derniers font défaut.
Ici, la fébrilité du pouvoir sénégalais pourrait révéler les desseins de son chef. En effet, deux ans avant la présidentielle, les législatives du 31 juillet ont valeur de test de grandeur nature. Pour Macky Sall, le scrutin représente ainsi la dernière opportunité de mesurer son niveau de popularité afin d’éventuellement se projeter sur 2024. La sérénité de la mouvance présidentielle pourrait être perturbée par le fait que le test précédent, soit les municipales de janvier, fut un échec, voire une claque. Si l’issue des urnes de juillet assommait encore la majorité, celle-ci sombrerait dans un cycle de défaites plaçant son candidat à la magistrature suprême, quel qu’il soit, en délicate position. La mouvance dans les cordes, l’opposition créerait alors une dynamique explosive, potentiellement inarrêtable, en vue de la présidentielle, le meilleur tremplin dont pourrait rêver Ousmane Sonko.
Mobilisation pacifique de l’opposition
Alors qu’il dénonce déjà en l’affaire Adji Sarr un « complot politique » destiné à faire barrage à ses ambitions présidentielles, l’élimination d’Ousmane Sonko de la liste nationale de la coalition Yewwi Askan Wi encre davantage l’opposant dans la posture de victime d’une cabbale politique.
Pour le moment, le leader du Pastef organise sa riposte dans le calme. Mercredi 8 juin, l’opposition sénégalaise a déplacé des milliers de personnes à Dakar pour protester contre la décision du Conseil constitutionnel et dénoncer l’intention prêtée au président Macky Sall de briguer un troisième mandat en 2024. Cette manifestation, ainsi que les prochains gestes de l’opposition, sont surveillés comme du lait sur le feu par le pouvoir, encore marqué par le mouvement populaire de mars 2021 et ses 12 morts.
Dans le contexte de la hausse brutale des prix causée par les crises successives provoquées par le Covid-19 et la guerre en Ukraine, le brasier de la colère à peine éteint, les rues sénégalaises pourraient encore s’enflammer.
Teria News