Après 72 heures de garde à vue, lundi soir, Hama Amadou a été conduit à la prison de Filingué. Vendredi 26 février, l’opposant s’était lui-même rendu à la police. Hama Amadou est soupçonné d’être à l’origine des débordements survenus mardi 23 février, lors de la proclamation des résultats provisoires de la présidentielle, rejetés par l’opposition.
Hama Amadou est entendu par la police judiciaire dans le cadre d’une dizaine de chefs d’accusation, dont : « propagande à caractère raciste », « propos de nature à dresser les citoyens les uns contre les autres », et « complicité dans des manifestations et destructions de biens ». Les autorités le soupçonnent d’avoir causé et d’attiser les soulèvements qui ont troublé pendant plusieurs jours la capitale, Niamey, suite à la proclamation des résultats provisoires du scrutin présidentiel.
Des leaders politiques accusés de mener une contestation anti-républicaine
« Ce ne sont pas les contestations [aux élections] en soi qui posent problème, c’est normal. [Dans] la plus grande démocratie au monde, l’une des plus vieilles [aux] Etats-Unis, il y a eu la contestation des élections […] Le problème se pose dans la démarche qu’on adopte […] En démocratie, quand on n’est pas satisfait des résultats des élections, on saisit les juridictions compétentes et c’est cela que Monsieur Mahamane Ousmane a fait », a déclaré Alkache Alhada, le ministre de l’Intérieur, en conférence de presse, jeudi 25 février. Il accuse Hama Amadou d’être responsable de violences post-électorales, et de la diffusion de propos jugés « racistes » et « xénophobes » contre Mohamed Bazoum. Vainqueur déclaré avec 55.75% des voix selon les résultats provisoires de la Céni, le président élu fait face à l’hostilité d’une frange de la population à cause de son appartenance à l’ethnie Oulad Souleymane, ultra-minoritaire au Niger et principalement présente en Libye.
« Les responsabilités sont en train d’être situées, les auteurs sont en train d’être appréhendés et seront traduits devant les juridictions. C’est la loi qui sera appliquée dans toute sa rigueur devant ces comportements inadmissibles» a assuré Brigi Rafini, le Premier ministre du Niger.
D’autres figures publiques ont été placées sous mandat de dépôt, dont le général à la retraite Moumouni Boureima, alias « Tchanga ».
Bouc émissaire ou fauteur de troubles ?
La défense par la voix de maitre Boubacar Mossi, dénonce une « justice des vainqueurs ». L’avocat d’Hama Amadou affirme que l’ancien président de l’Assemblée nationale n’a jamais ne serait-ce que commenté publiquement les résultats provisoires des élections, et qu’il n’est pas juridiquement responsable des actions de sa famille politique, le parti Moden Fa Lumana Africa.
Pour la présidentielle, Hama Amadou, dont la candidature a été invalidée par la Cour constitutionnelle, avait appelé à voter pour Mahamane Ousmane.
Candidat malheureux au scrutin du 21 février, Mahamane Ousmane revendique la victoire avec 50,3% des voix. Il a appelé à la libération de toutes les personnes interpellées, soit près de 470 depuis mardi 23 février dans le cadre des troubles post-électoraux.
Appels au calme de la Cédéao
« Nous avons, au niveau de la Cédéao, appelé les deux camps à la sérénité et au calme. La situation globalement serait sous contrôle, en dehors des violences qui se sont déroulées, il y a eu aussi des pertes en vies humaines, ce qui est vraiment dommageable pour nos démocraties », a déploré jeudi le général Francis Béhanzin, commissaire aux Affaires politiques, paix et sécurité de l’institution.
A l’instar du Niger, l’opposition en Afrique est confrontée au défis de réinventer ses modes de protestation entre contestations dans le cadre des institutions nationales voire supra nationales et stratégies de rue. La quête de justice et de transparence des processus électoraux, quand bien même nécessaire, ne peut pas se soustraire à tout respect de l’ordre républicain. Ce, à fortiori dans un pays à la stabilité précaire, en proie à des tentatives permanentes de déstabilisation par plusieurs agendas terroristes.
Teria News