Une autopsie pratiquée sur 4 des 44 corps permettrait d’affirmer que les 44 détenus, qui ne bénéficiaient d’aucun droit de visite, sont morts après avoir ingéré une substance létale.
La société civile tchadienne s’interroge sur le discours officiel. Elle émet notamment des doutes sur la véritable identité des 44 prisonniers, sur la transparence des autorités concernant la cause des décès, et sur les motifs de leur incarcération.
Quelques réponses ont été apportées à ces questions. « Leur identité, c’est la liste qui nous a été remise seulement par l’armée. C’est quand on a commencé l’enquête judiciaire où l’on doit prendre leurs identités comme le veut la procédure que le drame est arrivé « , a déclaré le procureur de N’djamena, Youssouf Tom. « Nous sommes en période de chaleur, les corps ont commencé à se décomposer. Les services sanitaires de la mairie se sont occupés de leur inhumation « , a-t-il expliqué. « Je ne peux pas dire d’emblée qu’ils se sont suicidés, ou bien que quelqu’un est venu leur donner un poison, mais c’est extraordinaire et il appartient à l’enquête de pouvoir le déterminer » a concédé Youssouf Tom.
Les 44 détenus morts jeudi 16 avril auraient été faits prisonniers suite à une campagne de l’armée tchadienne contre le groupe Boko Haram.
En une dizaine de jours, l’opération « Colère de Bohoma », ou offensive éclair du Tchad contre les terroristes de Boko Haram, a permis de libérer de nombreuses îles du lac Tchad. Elle a été menée en réponse à une attaque meurtrière perpétrée le 23 mars contre l’armée tchadienne. Le même jour, l’armée nigériane a aussi été frappée. En effet, le 23 mars, deux attaques sont menées contre des garnisons du Nigeria et du Tchad de part et d’autre du lac Tchad. D’une part, des combattants de Boko Haram prennent d’assaut la presqu’île de Bohoma au Tchad ciblant une base de l’armée tchadienne. Au moins 98 soldats perdent la vie, soit la plus lourde défaite jamais enregistrée par cette armée en 24 heures. D’autre part, le groupe État islamique en Afrique de l’Ouest (Iswap), faction dissidente de Boko Haram, vise l’armée nigériane dans la région de Konduga (nord-est). L’attaque fait au moins 70 victimes. Selon N’djaména, au cours de l’opération « Colère de Bohoma », 1 000 terroristes et 52 militaires ont été tués et plusieurs stocks d’armes saisis.
Au front pour diriger les représailles, le président tchadien Idriss Déby a par ailleurs dénoncé à plusieurs reprises l’apathie des pays voisins, et s’est plaint de ce que le Tchad était « seul à supporter tout le poids de la guerre contre Boko Haram ». Après avoir annoncé le 10 avril le retrait de son armée des opérations anti-terroristes extérieures, Idriss Déby s’est ravisé. Le Tchad continuera à participer aux opérations militaires conjointes bilatérales et internationales.
Devant le flou persistant suites aux déclarations officielles, la société civile tchadienne a réclamé lundi une enquête internationale pour faire la lumière sur les faits du 16 avril.
Teria News