Alors que le bras de fer géopolitique entre grandes puissances se joue désormais autour de l’Intelligence artificielle (IA), l’Afrique est-elle condamnée à n’être que spectatrice de cette nouvelle révolution technologique ? Où en est le continent ? Quels sont les pays en pointe et quels sont les enjeux continentaux du développement de l’IA ?
Toujours aux prises avec des enjeux de développement, dont l’accès aux services publics de base comme l’eau et l’électricité, l’Afrique accuse-t-elle un décrochage dans la course globale à l’intelligence artificielle (IA) ? Si quelques pays ont saisi l’importance de se positionner au cœur de cette révolution technologique comme le Maroc, le Sénégal, le Rwanda, l’Afrique du Sud, l’île Maurice ou le Kenya, une majorité d’Etats restent en marge.
Le sommet pour l’action sur l’IA qui s’est tenu à Paris les 10 et 11 février derniers a soulevé la question de l’engagement de l’Afrique sur la question.
Défis posés par le développement de l’IA en Afrique
« Oui, il faut plus d’infrastructures, mais on peut déjà faire davantage avec ce qu’on a. Ce dont nous avons encore plus besoin, c’est d’accélérer le développement d’un écosystème IA africain, de la recherche aux start-ups, en boostant les investissements et les partenariats avec les grandes entreprises. »
Babacar Seck, fondateur d’Askya Investment Partners, une société basée à Dakar
Les défis pour booster la compétitivité des pays africains restent importants. Parmi elles, l’accumulation de données endogènes (l’or du XXIe siècle), mais surtout, la présence d’infrastructures numériques : data centers (ou bases de données), particulièrement voraces en électricité, puissance de calculs, réseaux d’interconnexion puissants. Les difficultés du continent tiennent principalement à la faible disponibilité d’Internet, à son coût relativement élevé et à la mauvaise qualité des connexions, un défi particulièrement important en Afrique de l’Ouest.

Les secteurs prioritaires du continent
Si tous les secteurs sont touchés par l’IA, dont le militaire cristallise la rivalité entre la Chine et les États-Unis en ce deuxième quart de XXIe siècle, l’agriculture, l’éducation et la santé sont les domaines prioritaires, stratégiques pour l’Afrique. Concernant l’éducation, l’IA devrait accompagner les initiatives visant à rapprocher l’école des élèves habitant dans des zones reculées ou dont l’accès à l’instruction est limité par d’absence d’infrastructures routières (phénomène particulièrement criard en saison pluvieuse où nombre d’écoliers dans les zones rurales, mais également en pleine ville, sont contraints de rester à la maison). C’est le cas d’« Ecoles au Sénégal », une ONG qui s’est donné pour mission d’« Utiliser le numérique pour réduire les inégalités en matière d’accès à l’éducation de qualité ». Partenaire du ministère sénégalais de l’Education, elle impacte déjà plus de 500 000 élèves.
La contribution de l’IA est également attendue dans le secteur de l’agriculture. En effet, avec boom démographique prévu d’ici 2050 (2,6 milliards d’habitants), la question de la sécurité alimentaire, notamment face au réchauffement climatique, se pose avec davantage d’acuité. L’IA peut être un outil précieux pour optimiser les rendements agricoles en mesurant et en analysant les données du sol telles que la température, les intrants, la météo, les nutriments et la santé des légumes, les solutions de big data et d’IA aident les agriculteurs à utiliser des engrais adaptés, par exemple, ou à optimiser l’irrigation de leur exploitation.
Dans le secteur de la santé enfin, l’IA permettrait l’optimisation des diagnostics, notamment en imagerie ou la détection des maladies.
La prise de conscience des enjeux que représente le développement de l’IA en Afrique se matérialise par la prise de diverses initiatives. Annoncé par Smart Africa (plateforme fruit d’un partenariat public-privé rassemblant plusieurs pays du continent, via leurs chefs d’Etat, et des groupes comme Huawei ou Google pour promouvoir l’innovation technologique en Afrique) lors du sommet de Paris, un « Conseil africain de l’IA », devrait voir le jour lors du Sommet mondial sur l’IA en Afrique, prévu début avril à Kigali.
Une IA inclusive, conclusion sommet de Paris parait illusoire au vu des enjeux géopolitiques sous-tendus. L’Afrique, globalement sortie d’une certaine naïveté, ne peut attendre que des produits et services du Nord viennent au secours du Sud, dessinant une nouvelle colonisation du continent. Il est en conséquence nécessaire d’investir dans une véritable souveraineté numérique, collectivement via des coalitions pour l’action numérique afin de répondre aux besoins du continent et rester pertinent dans la suite du siècle au-delà du rôle ingrat de pourvoyeur de matières premières.
Teria News
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