« Echecs », « déconvenues », « faux pas ». Dans un rapport intitulé « Voir l’Afrique dans tous ses états », le Sénat français fustige la politique africaine d’Emmanuel Macron. Un bilan diplomatique qui fait de la France, selon l’institution, une « puissance moyenne de rang mondial ».
La centralisation de la politique africaine de la France à l’Élysée, héritage gaullien datant des décolonisations, s’est faite au détriment d’une cohérence dans la conduite par Paris des affaires africaines, estiment les élus de la « Commission des Affaires étrangères » du Sénat français. La gestion unilatérale, personnalisée des dossiers du continent les a imprégnés des limites du président Macron. Une approche plus collégiale, horizontale avec l’inclusion des élus du Parlement, en somme démocratique, aurait en revanche, permis de prévenir nombre de maladresses qui ont coûté cher à l’influence française en Afrique après un quinquennat et demi.
Dans un rapport intitulé « Voir l’Afrique dans tous ses états », les sénateurs accusent le coup et dissèquent temps forts et facteurs de la dégringolade de la France sur le continent africain, symbolisée par les retraits forcés de ses contingents militaires du Sahel et l’imbroglio de la réduction de son « empreinte militaire » en Afrique, supervisée par Jean-Marie Bockel. Sans concessions sur la gouvernance du président français, le document déplore notamment son arrogance dans ses rapports avec l’Afrique et le deux poids, deux mesures de l’Élysée dans son positionnement sur la série de coups d’État survenus sur le continent depuis 2020.
La promesse non tenue d’une nouvelle génération
« Plusieurs décisions et déclarations officielles ont été considérées comme arrogantes et condescendantes envers les dirigeants ou les peuples africains. »
Alors qu’il représentait un espoir, son âge lors de sa prise de fonction, tranchant avec une génération qui a connu la colonisation, Emmanuel Macron a manqué d’incarner la rupture, notamment promise en 2017 à Ouagadougou. « Je suis d’une génération où l’on ne vient pas dire à l’Afrique ce qu’elle doit faire », assurait alors le président français. Presque huit ans plus tard, les sénateurs français déplorent la « dégradation » générale de l’image de la France lors d’une période pourtant « commencée sous de bons auspices ». La « perception d’une forme d’arrogance et de paternalisme », à travers « des maladresses », a conforté l’image d’une « pratique verticale et condescendante » des relations de Paris avec les pays africains, et a mené à « une perte considérable d’influence », estiment-ils encore.
Une série de maladresses et de politiques irrationnelles
Au rang des épisodes déplorables évoqués, figure la convocation des chefs d’État du G5 Sahel à Pau en janvier 2020, alors appelés à donner des « clarifications » sur leur volonté d’accueillir des bases militaires françaises dont la présence était décriée par les populations et une partie de la société civile. La Commission des Affaires étrangères regrette également l’organisation du sommet Afrique-France de 2022 à Montpellier qui mettait à l’honneur la société civile tout en laissant de côté les dirigeants du continent. Enfin, les auteurs du rapport déplorent les condamnations de coups d’État au Mali, Niger et Burkina Faso, parallèles à leur justification au Tchad. « Pour les Africains, la France d’Emmanuel Macron est celle d’un deux poids, deux mesures », concluent-ils.
Également au cœur du contentieux entre les pays africains et la France, la politique de visa de Paris doit être réformée selon les sénateurs. Des « mesures de restriction parfois erratiques » et « des réponses trop longues, vécues comme une forme d’humiliation », génèrent des frustrations à l’égard de l’Hexagone, devenue une « puissance moyenne de rang mondial ».
Le rapport note en outre, que le choix des pays africains de diversifier leurs partenariats, en matière de défense notamment, met la France sur la touche après une réorganisation catastrophique de ses effectifs militaires sur le continent « sans concertation avec les pays concernés » qui a donné à entendre des sons de cloche différents sur l’initiative de ses retraits/réductions au Sénégal, au Tchad et en Côte d’Ivoire. La francophonie avec des locuteurs essentiellement présents en Afrique, constitue selon toutefois le rapport, le dernier atout et outil de soft power de la France en Afrique.
Teria News