C’est le « coup d’État » constitutionnel dont personne ne parle, surtout pas la CEDEAO, dénonce le député sénégalais Guy Marius Sagna. Alors que son mandat se termine le 27 février prochain, le président bissau-guinéen Umaro Sissoco Embalo entend rester au pouvoir « jusqu’à l’investiture du nouveau président ».
Les libertés prises par Umaro Sissoco Embalo avec le calendrier électoral bissau-guinéen et la Constitution de son pays passent sous les radars de la CEDEAO, dénonce Guy Marius Sagna. Alors qu’elle a été prompte à réprouver et punir les coups d’État militaires des pays sahéliens, jusqu’à envisager l’usage de la force pour rétablir l’ordre constitutionnel au Niger aux lendemains de la prise de pouvoir du CNSP en juillet 2023, l’organisation est étrangement muette sur la situation politique en Guinée Bissau.
Umaro Sissoco Embalo prolonge unilatéralement son mandat
« La CEDEAO ne voit que quand il s’agit du Mali, du Burkina Faso et du Niger. Mais quand à 23 jours de la fin du mandat de Embalo il n’y a pas de date d’élection présidentielle en Guinée-Bissau, la CEDEAO est subitement et mystérieusement aveugle. »
Guy Marius Sagna, député sénégalais membre du Pastef
Bien que l’ancien Premier ministre Domingos Simoes Pereira, à la tête de l’opposition nationale, estime que le mandat de président bissau-guinéen expire le 27 février prochain, conformément à la Constitution laquelle, dispose que le mandat présidentiel est de cinq ans, la Cour constitutionnelle a prolongé ce dernier au 4 septembre 2025. Soit, la date à laquelle l’institution avait validé l’élection de Umaro Sissoco Embalo, justifie-t-elle.
Or, le président bissau-guinéen est allé unilatéralement au-delà de ce délai, en décidant de ne rendre le pouvoir qu’au jour de l’investiture de son successeur. « Chers amis, nous sommes en février, nous allons aux élections donc personne n’est pressé. Ceux qui commentent contre moi savent que leurs thèses sont hors du temps et je dis toujours que je resterai en fonction jusqu’à l’investiture du nouveau président », a-t-il déclaré jeudi 6 février.
La CEDEAO aux prises avec ses démons
Alors que la CEDEAO accuse, au carrefour de son 50e anniversaire, la perte de 3 pays membres suite à l’expiration du délai légal d’un an prévu par ses statuts et au rejet du celui de rétractation de 6 mois offert par Abuja (avec la réaffirmation par les États de l’AES de l’irrévocabilité de leur décision), l’organisation montre à nouveau des signes d’incohérence. Son mutisme sur la crise politique bissau-guinéenne, à l’image de celui observé lors des coups d’État institutionnels de Alpha Condé et Alassane Ouattara en 2020 ou de Faure Gnassingbé en 2024, conforte nombres d’acteurs politiques et citoyens de la Communauté, du besoin de réformer une organisation dont le deux-poids, deux mesures, rend illégitime ses prises de position sur la gouvernance politique des pays membres.
En effet, sanctionner les uns pour délivrer un laissez-passer aux autres, incite d’aucuns à interroger le fondement du traitement différencié de ces cas par la CEDEAO et invite la suspicion. Ainsi, pour beaucoup, seule une grille de lecture géopolitique peut expliquer cette dichotomie. Cette dernière et les axes qu’elle dessine entre Abuja et Paris, Washington ou Bruxelles, pourrait laisser entrevoir les conflits d’intérêt d’une organisation dont le mode de financement rend par ailleurs difficile l’établissement de ses propres priorités.
L’opposition bissau-guinéenne réclame, pour sa part, le départ de Umaro Sissoco Embalo le 27 février prochain. Elle appelle également à l’installation d’un président par intérim avant l’organisation de nouvelles élections dont le calendrier doit être fixé par le président bissau-guinéen le 31 mars au plus tard.
Teria News
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