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Afrique du Sud : promulgation d’une nouvelle loi sur l’expropriation de terres

Cyril Ramaphosa vient de promulguer une nouvelle loi sur l’expropriation terrienne. Alors que les Sud-Africains ont exprimé leur impatience face à la lenteur de la réforme agraire, la loi est présentée comme outil de réduction des inégalités. Toutefois, le texte reste une réforme timide qui protège de manière substantielle les propriétaires fonciers.

L’Afrique du Sud dispose d’une nouvelle loi régissant l’expropriation (ou l’acquisition forcée) de propriétés privées par le gouvernement à des fins publiques ou dans l’intérêt public. L’adoption de la « Loi sur l’expropriation 13 » de 2024, fait suite à un processus parlementaire qui a débuté en 2020. La loi abroge la « Loi sur l’expropriation 63 » de 1975 de l’époque de l’apartheid et vise à aligner la loi sur l’expropriation sur la Constitution. Elle définit les procédures, les règles et les réglementations relatives à l’expropriation. En plus d’établir de manière assez détaillée la manière dont les expropriations doivent se dérouler, la loi fournit également un aperçu de la manière dont l’indemnisation doit être déterminée.

Dans le passé colonial et de l’apartheid de l’Afrique du Sud, la répartition des terres était extrêmement inégale en fonction de la race. Le pays en subit encore les effets. L’expropriation de propriétés est donc un outil potentiel pour réduire les inégalités foncières. Cela est devenu une question de plus en plus urgente. Les Sud-Africains ont exprimé leur impatience face à la lenteur de la réforme agraire.

Droits de propriété et réforme agraire

Les dispositions de la nouvelle loi suscitent de nombreux débats dans le pays. Le débat porte principalement sur la mesure dans laquelle elle affecte les droits de propriété privée existants. Certains estiment que la loi est inconstitutionnelle. D’autres la saluent comme une étape nécessaire dans la bonne direction.

La réforme agraire nécessite également un État capable et proactif qui mette en œuvre le cadre juridique de manière à donner la priorité à l’expropriation comme mécanisme de mise en œuvre de la réforme agraire. Jusqu’à présent, l’expropriation n’a pas été utilisée efficacement pour redistribuer les terres de manière plus équitable, dans le cadre de la réforme agraire.

La loi, dans sa forme actuelle, n’est peut-être pas la solution miracle pour réaliser une réforme agraire à grande échelle, du moins pas le type de réforme agraire radicale dont l’Afrique du Sud a besoin de toute urgence. Il est compréhensible que la loi ait un impact grave sur les droits de propriété. Mais elle protège néanmoins de manière substantielle les propriétaires fonciers touchés par l’expropriation. Dans des cas très limités, ils ne seraient pas indemnisés.

Protections pour les propriétaires fonciers

La loi stipule que les biens ne doivent pas être expropriés de manière arbitraire ou à des fins autres que l’utilité publique ou l’intérêt public. L’utilité publique signifie par ou pour le bénéfice du public. Par exemple, l’expropriation de biens pour construire des routes, des écoles et des hôpitaux. Toutefois, l’intérêt public est plus large et comprend l’engagement de la nation en faveur de la réforme agraire. « Arbitraire » signifie généralement sans raison ni justification.

La loi exige en outre qu’une autorité expropriante : un organe de l’État ou une personne habilitée par la loi ou toute autre loi, tente d’abord de parvenir à un accord avec le propriétaire pour acquérir la propriété à des conditions raisonnables avant d’envisager l’expropriation. Cela donne un certain pouvoir au propriétaire foncier, même si l’expropriation ne nécessite normalement pas de consentement. La loi stipule également qu’une expropriation spécifique doit toujours être autorisée par une loi.

Pas d’indemnisation ?

L’article 12 de la loi traite de l’indemnisation pour l’expropriation. C’est sans doute la partie la plus controversée de la nouvelle législation. L’article 12(1) ne semble pas poser de problème et est en grande partie le même que l’article 25(3) de la Constitution. Cette partie de la clause sur la propriété définit ce qui doit être pris en compte lors de la détermination de l’indemnisation pour l’expropriation. L’article 12(3) de la loi fait référence à une « indemnisation nulle » – c’est-à-dire à un cas où aucune indemnisation en rand (monétaire) ne peut être versée. Il n’y a aucune référence explicite à une indemnisation nulle dans la formulation actuelle de l’article 25 de la Constitution. C’est une nouveauté dans la loi sur l’expropriation. Les tribunaux ont toutefois joué avec l’idée que l’article 25 de la Constitution prévoit déjà une possibilité de réduction de l’indemnisation.

Les circonstances dans lesquelles une indemnisation nulle pourrait être accordée en vertu de la nouvelle loi sont en fait très limitées. L’article 12(3) laisse à l’autorité expropriante le pouvoir discrétionnaire de déterminer quand il peut être juste et équitable de verser une indemnisation nulle. Cependant, la loi manque de lignes directrices sur la manière dont un tel pouvoir discrétionnaire doit être exercé.

La portée de l’article 12(3) est également limitée à certains égards. D’une part, elle est limitée aux terres. L’absence d’indemnisation n’est envisageable que dans le cas d’une expropriation de terres. Par conséquent, toutes les formes de propriété ne peuvent pas être expropriées sans indemnisation. La notion de propriété au sens de l’article 25(1) de la Constitution est généralement large et comprend divers droits et intérêts, qui vont au-delà de la simple terre. Par exemple, les droits personnels, les droits miniers et les licences sont inclus dans la notion de propriété au sens de l’article 25(1). Cette large interprétation de la propriété ne s’applique pas à l’article 12(3), qui fait référence à l’expropriation de « terres ».

L’article 12(3) est également limité à l’expropriation de terres « dans l’intérêt public ». L’absence d’indemnisation n’est donc envisagée que dans le contexte d’une expropriation de terres entreprise dans l’intérêt public, et non pour un but public.

Trois des quatre catégories énumérées au paragraphe 12(3), pour lesquelles aucune indemnisation n’est envisagée, sont liées à la manière dont le bien était utilisé avant l’expropriation. L’utilisation d’un terrain à des fins productives n’est donc manifestement pas envisagée au titre du paragraphe 12(3).

L’absence d’indemnisation ne se limite pas nécessairement aux cas énumérés. Néanmoins, le montant de l’indemnisation doit, dans tous les cas, être juste et équitable.

Une approche novatrice

La loi oblige les Sud-Africains à s’engager dans l’idée d’une indemnisation nulle d’une manière beaucoup plus directe.

La présence d’une clause consacrée à l’absence d’indemnisation apporte une nouvelle clarté sur les cas où cette disposition pourrait s’appliquer.

Il est difficile de déterminer si cette loi sera conforme à la Constitution sans voir comment l’expropriation en vertu de celle-ci fonctionnera dans la pratique. Il reste à voir si elle aura les conséquences profondes que beaucoup craignent ou appellent de leurs vœux.

Teria News avec The Conversation

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