La perte d’influence russe en Syrie menace également les intérêts et partenaires de Moscou en Afrique. Le renversement de Bachar al-Assad hypothèque en effet l’avenir les bases militaires russes de Tartous et Hmeimim en Syrie. Or, celles-ci sont des centres logistiques permettant à Moscou de déployer hommes et équipement d’Africa Corps (ex-Wagner) vers l’Afrique. Explications.
Avec ce revers majeur en Syrie, la Russie, en plus de sa perte d’influence au Moyen-Orient, où elle ne peut plus se poser en médiatrice des crises régionales, voit également son influence sur le continent africain menacée à cause du sort incertain réservé à ses deux bases militaires sur le territoire syrien : l’une navale à Tartous et l’autre aérienne de Hmeimim. Or, ces emprises sont cruciales dans la stratégie moscovite de déploiement sur ses terrains d’opération en Afrique.
Ces deux bases constituent en effet des hubs logistiques qui permettent à la Russie de se projeter, avec des transferts d’hommes et d’équipement, sur les théâtres où est actif Africa Corps, anciennement Wagner. Soit la Libye, le Soudan, le Mali et la Centrafrique. Ainsi, les conséquences de l’affaiblissement de la Russie au Moyen-Orient pourraient dépasser le cadre de la région et potentiellement affecter les alliés de la Russie en Afrique.
La Russie, également en ballotage en Afrique
Les regards se tournent vers les pays sahéliens ayant conclu un partenariat stratégique avec Moscou, avec ou sans le déploiement de combattants d’Africa Corps. Alors qu’elle a, jusqu’ici réussi à tenir le « front » géopolitique (plus que militaire) africain, portée par les désillusions populaires des partenariats sécuritaires conclus sur le continent avec les acteurs étatiques occidentaux, infligeant des défaites de taille à la France et aux États-Unis, la Russie, manifestement accaparée par son effort de guerre en Ukraine, parviendra-t-elle à maintenir son engagement en Afrique ? Si la Syrie était le joyau de son influence géopolitique retrouvée, l’Afrique en est la consécration.
Ainsi, de part et d’autre, les acteurs étatiques et entrepreneurs de guerre rebelles ou terroristes ont saisi qu’au cours des prochains mois, avant les négociations de paix entre la Russie et l’Ukraine sous l’égide de la prochaine administration Trump, peuvent basculer un certain nombre de rapports de force. En effet, accentuant son offensive en Ukraine, aidée par des troupes nord-coréennes et yéménites, la Russie essaie de pousser au maximum son avantage pour obtenir de Kiev le maximum de concessions au cours des prochains pourparlers de paix. De l’autre côté, voyant son engagement total en Ukraine, les adversaires des partenaires sécuritaires de la Russie pourraient en tirer avantage, comme la coalition rebelle en Syrie.
Par la voix du porte-parole du Kremli, Dmitry Peskov, Moscou a reconnu avoir été « surpris » par l’offensive éclair de la coalition rebelle menée par le groupe islamiste Hayat Tahrir al-Sham (HTS). Les négociations, en cours selon les autorités russes, sur le maintien de leurs deux bases en Syrie revêtent une importance stratégique quasi existentielle pour la puissance russe. Selon la presse russe, les rebelles en auraient « garanti la sécurité ».
Après la chute de Bachar al-Assad, la Syrie est « à prendre »
Le débordement de la Russie et de l’Iran, respectivement accaparés par l’Ukraine et le Liban, crée un vide dans lequel s’engouffrent d’autres acteurs régionaux. Ainsi, au cours des dernières 48 heures, depuis la fuite de l’ancien dirigeant syrien vers Moscou, Israël a largué près de 300 bombes sur la Syrie, principalement au sud du pays, et avancé sur la zone tampon démilitarisée du Golan. Dans une allocution télévisée, Benyamin Nettanyahu a affirmé que le Golan « appartient à Israël pour l’éternité ». Tsahal occupe également des positions abandonnées par l’armée syrienne sur le mont Hermon à la frontière avec Israël et le Liban. Israël a par ailleurs ciblé un centre de recherche près de Damas, connu pour son rôle dans le programme d’armes chimiques de l’ancien régime.
La Turquie pour sa part, principal soutien de HTS a, elle, bombardé le nord-est de la Syrie où se situent des Kurdes, défendus par les forces démocratiques syriennes (FDS). Ankara y a également envoyé l’Armée nationale syrienne, autre groupe armé pro-turc. À travers ces groupes et espaces du nord-est syrien, la Turquie cible ainsi les groupes Kurdes affiliés au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). Son objectif : créer une zone tampon avec son territoire pour mettre à distance le PKK et ses alliés.
En fin, les États-Unis ont mené, dès dimanche, des raids aériens sur le centre de la Syrie en direction de fiefs du groupe Etat islamique (que les FDS Kurdes l’ont aidé à combattre). Ces diverses interventions présagent d’un nouveau chao syrien auquel les populations attendront une réponse de la part des actuels maîtres de Damas.
Teria News