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Tchad : Avec la rupture de l’accord de Défense, la France aurait payé le prix de son arrogance

Rupture des accords de Défense avec la France. Pourquoi cette décision abrupte de Mahamat Idriss Déby ? Inertie de l’armée française lors de l’attaque massive perpétrée par Boko Haram en octobre dernier, ingérence dans le calendrier électoral tchadien et pressions sur le rôle du Tchad dans la crise soudanaise. Comment la moutarde est montée au nez de Mahamat Idriss Déby.

Paris n’avait pas vu le coup venir et continue de se réveiller avec la gueule de bois. Le départ forcé du Tchad, énième coup de butoir donné à sa présence militaire sur le continent, est l’ultime humiliation que l’Élysée avait pourtant entrepris d’éviter. Pour cela, Emmanuel Macron en plein bouleversement politique au Mali, alors en crise ouverte avec la France, s’était assis sur ses leçons de bonne gouvernance, en prenant un des fauteuils aux côtés du fils d’Idriss Déby Itno, brutalement décédé, pour appuyer la succession dynastique au profit de Mahamat Déby. S’il revenait au chef d’État français, seul dirigeant occidental présent lors de cette investiture anticonstitutionnelle, d’incarner le symbole, son ministre des Affaires étrangères d’alors, Jean-Yves Le Drian, était le porte-voix d’une diplomatie à deux vitesses arguant que le cas du Tchad relevait de l’exception contraignant, « cette fois », la France à privilégier la stabilité politique aux principes démocratiques.

Absent de l’argumentaire de Jean-Yves le Drian mais bien présent dans les esprits au sein de la diplomatie française, il s’agissait pour Paris de maintenir un avantage stratégique au Sahel assuré depuis les indépendances par des accords de Défense et ainsi, faire barrage à la montée en puissance de la Russie, déployée depuis la Centrafrique voisine.

La France aurait manqué à son devoir d’assistance militaire

Cette année 2024, Mahamat Idriss Déby a avalé plusieurs couleuvres de la part de son parrain. Il y eut notamment la préférence de Paris pour la candidature de Succès Masra à la présidentielle de mai dernier et l’enquête, brusquement sortie du chapeau du Parquet national financier français, pour des soupçons de détournement de fonds publics autour de l’achat de costumes pour plus de 900.000 euros dans la capitale française. Mais une fois l’eau dans le gaz plus ou moins digérée, la moutarde n’a pas tardé à monter au nez du dirigeant tchadien.

C’est d’abord l’absence de coopération des troupes françaises présentes au Tchad lors de l’attaque massive essuyée par l’armée nationale fin octobre autour du Lac Tchad par des éléments de Boko Haram qui a irrité Mahamat Idriss Déby lequel n’a pas manqué d’en faire cas à Jean-Noël Barrot lors de sa visite du 28 novembre. Sans partage de renseignement, ni d’appui aérien malgré les demandes de N’Djaména : l’armée française n’a pas joué son rôle de partenaire sécuritaire face à cette attaque d’envergure.

Ingérence et arrogance de Paris

Le président tchadien aurait ensuite peu apprécié les requêtes de Jean-Noël Barrot portant sur le calendrier des élections législatives et locales dans le sens d’un report devant favoriser l’inclusivité des scrutins. Mais surtout, le Tchad n’a pas supporté les reproches adressés par le ministre français des Affaires étrangères sur son rôle dans la crise soudanaise.

Allié des Émirats Arabes Unis, principaux bailleurs du régime tchadien, comme des Forces de soutien rapide (FSR) du général Hemedti au Soudan, le Tchad, selon plusieurs sources, fournit un soutien logistique aux paramilitaires qui contestent le pouvoir central à l’armée du général al-Burhan depuis avril 2023. La frontière commune entre les deux pays permettrait à N’Djaména d’acheminer vers le Soudan, et plus particulièrement vers les combattants du général Dagalo, des armes essentielles à leur insurrection.

Cette séquence d’évènements a achevé de convaincre les autorités tchadiennes de la caducité de l’accord de Défense les liant à la France qui se retrouve désormais dépourvue d’alliés dans la région sahélienne. Cet énième revers stratégique est un recul pour Paris mais, à travers elle, un reflux pour le monde occidental lequel, contemple impuissant la brèche ainsi ouverte à la Russie. Avec la Libye au nord, le Niger à l’ouest, le Soudan à l’est et la Centrafrique au sud (toutefois en voie de pacification avec Paris…), le Tchad de Mahamat Idriss Déby, cerné par l’influence russe, ne pourra en effet lui résister longtemps.   

Teria News

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