En l’espace de 24h00 deux pays africains exigent le départ des troupes françaises de leurs sols. Bassirou Diomaye Faye pour le Sénégal demande le retrait des forces hexagonales et le Tchad de Mahamat Idriss Déby rompt les accords de défense liant historiquement N’Djamena et Paris. Un cauchemar interminable de la France en Afrique.
Un échec sur toute la ligne pour le ministre français des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot. Quelques heures après sa visite au Tchad dans le cadre de sa première tournée africaine depuis sa prise de fonction, le Tchad annonce mettre fin aux accords de sécurité et de défense avec Paris privant la France de sa dernière emprise militaire au Sahel après son départ contraint du Mali, du Burkina Faso puis du Niger.
Ces déclarations interviennent dans le cadre de la remise à Emmanuel Macron du « Rapport sur la présence française en Afrique » élaboré par Jean-Marie Bockel, son émissaire spécial pour la région. Elles peuvent en partie être considérées comme des réactions à la nouvelle politique militaire française en Afrique qui consiste à réduire le nombre de soldats dans les bases militaires hexagonales. Les dirigeants des pays concernés estiment de toute évidence que la France a manqué sa cible en refusant de saisir le sens de l’Histoire. Dirigé par les aspirations souverainistes des peuples, elle exige sans équivoque, non pas la réduction de l’empreinte militaire de l’ancienne puissance coloniale, mais bel et bien la fin pure et simple de la présence militaire hexagonale en Afrique. Par ailleurs, la création d’un Commandement pour l’Afrique est mal passé sur le continent qui y voit son inacceptable mise sous tutelle militaire par Paris.
Le Tchad et la France, la fin d’une époque
« Le gouvernement de la République du Tchad informe l’opinion nationale et internationale de sa décision de mettre fin à l’accord de coopération en matière de défense signé avec la République française […] Après 66 ans de la proclamation de la république du Tchad, il est temps pour le Tchad d’affirmer sa souveraineté pleine et entière, et de redéfinir ses partenariats stratégiques selon les priorités nationales. »
Abderaman Koulamallah, ministre tchadien des Affaires étrangères
Il faut dire qu’entre N’Djamena et Paris la crise couvait depuis plusieurs mois. Adoubé par Emmanuel Macron après la mort brutale de son père Idriss Déby en 2021, Mahamat Idriss Déby s’est depuis distancé progressivement de son mentor. La France a en effet mal perçu sa visite chez Vladimir Poutine en janvier de cette année et le rapprochement amorcé avec la Russie, confirmé quelques mois plus tard avec l’étape tchadienne de Sergueï Lavrov en juin dernier au nom d’une coopération « non-exclusive ». Il se murmure également que Mahamat Idriss Déby n’était pas le candidat favori de Paris à présidentielle de mai dernier clôturant une Transition de trois ans et lui préférait son ancien Premier ministre Succès Masra. Autant de points de friction lesquels, sans compter le chantage judicaire exercé contre le dirigeant tchadien soudainement ciblé par une enquête du Parquet national financier français pour des soupçons de détournement de fonds publics, rappelant les affaires de « biens mal acquis » d’autres dirigeants d’Afrique centrale, ont pesé sur les relations entre le Tchad et la France.
Le Sénégal affirme sa souveraineté pleine et entière
« Pourquoi faudrait-il des soldats français au Sénégal ? Quel pays peut avoir des militaires étrangers sur son sol et revendiquer son indépendance ? », s’est interrogé Bassirou Diomaye Faye dans un entretien accordé jeudi au Monde.
Le président sénégalais rappelle que son pays coopère avec des partenaires comme les États-Unis, la Chine ou encore la Turquie « sans que ces pays n’aient de base sur notre sol ».
Sans avoir fixé « pour le moment » de date de retrait aux autorités françaises, Bassirou Diomaye Faye estime « évident » que les militaires français, actuellement au nombre de 350, quitteront le pays. Toutefois, ce retrait ne devrait pas affecter les relations entre les deux pays, décrites comme « au beau fixe » par le chef de l’État sénégalais, à la manière du ministre tchadien des Affaires étrangères qui assure à l’AFP que « Ce n’est pas une rupture avec la France comme le Niger ou ailleurs ».
Reste qu’avec la perte du Tchad, la France est définitivement chassée du Sahel, refuge de ses contingents expulsés depuis 2022 des autres pays sahéliens (environ un millier de soldats). Un camouflet supplémentaire et certainement l’humiliation ultime pour l’Hexagone dont le crédit international auprès des superpuissances du Conseil de sécurité onusien reposait sur sa maîtrise du terrain africain et son influence militaire comme diplomatique sur le continent. Privée de ce prestige, sa place dans le concert des nations s’en trouve dès lors considérablement fragilisée.
En outre, le désengagement français pourrait ouvrir la porte à une adhésion du Tchad à l’Alliance des États du Sahel. Rappelons qu’en plus des relations d’amitié historiques, principalement entretenues avec le Niger, le Tchad a déjà, aux côtés du Togo, organisé des exercices militaires conjoints avec les pays de l’AES en mai dernier.
Teria News