« Quand il y a eu la crise au Niger, on a été capable d’installer à Abidjan 2.000 hommes en quelques heures ! ». Entendu par la Commission défense de l’Assemblée nationale française, Jean-Marie Bockel, envoyé spécial d’Emmanuel Macron en Afrique, confirme que Paris préparait une opération militaire pour réinstaller Mohamed Bazoum au pouvoir après son renversement en juillet 2023.
Il avait la lourde tache de repenser la présence militaire française en Afrique pour acter et répondre aux exigences des populations, principalement ouest-Africaines, dans le sens du désengagement de contingents perçus comme une armée d’occupation. C’est dans le cadre de la reddition de comptes aux élus français sur le dossier de la réévaluation du dispositif militaire hexagonal en Afrique que Jean-Marie Bockel a été auditionné par la Commission défense de l’Assemblée nationale le 6 novembre dernier.
Les troupes françaises en embuscade contre le CNSP
Alors que les élus déploraient le flou de ses explications, demeurées trop vagues à leur sens, envoyé spécial d’Emmanuel Macron en Afrique a laissé échapper une phrase qui révèle les dessous de la gestion par Paris du coup d’État perpétré par les hommes du général Tiani le 26 juillet 2023.
« Quand il y a eu la crise au Niger, on a été capable d’installer à Abidjan 2000 hommes en quelques heures ! », a déclaré Jean-Marie Bockel. Au corps défendant de son auteur, cette phrase accuse la France et confirme les déclarations du CNSP nigérien lequel, au lendemain du putsch, affirmait que Paris avait amassé des troupes dans plusieurs pays de l’espace CEDEAO, dont la Côte d’Ivoire, pour rétablir le président Bazoum dans ses fonctions.
Dans les mois suivant sa prise de pouvoir, le CNSP a en effet été soumis à une intense pression diplomatique qui menaçait de se muer en pression militaire pour rétablir l’ordre constitutionnel. Ainsi, la CEDEAO avait activé sa force en attente et, bien que disant maintenir les canaux de discussion avec Niamey ouverts, avait engagé les états-majors de plusieurs pays membres dans la préparation d’une intervention militaire contre le CNSP. Dans ce contexte, Paris s’était montré en faveur de l’option de la force et avait, selon plusieurs sources, pesé de tout son poids pour que l’opération armée de l’organisation sous-régionale aboutisse.
Échec et scission du bloc sous-régional
Cependant, la pression militaire du Mali et du Burkina Faso d’une part, en solidarité avec le Niger, puis scellée par la création de l’Alliance des États du Sahel (AES) en septembre 2023 et d’autre part, la pression diplomatique des États-Unis qui souhaitaient préserver leurs intérêts dans le pays, principalement les deux bases militaires de Niamey de d’Agadez (ensuite perdues après une dégradation des relations entre Washington et Niamey), ont mis en échec ce projet d’intervention contre le CNSP.
Finalement avorté, ce dernier a toutefois amené la crise de confiance entre la CEDEAO et les pays sahéliens au point de rupture. En janvier 2024, le Mali, le Burkina Faso et le Niger ont conjointement, et avec effet immédiat, quitté le bloc sous-régional. De plus, avec la montée en puissance de l’AES en Confédération des États du Sahel, les trois pays proposent un projet d’intégration sous-régionale alternatif à celui de la CEDEAO, voire même concurrent, notamment en matière monétaire.
Teria News