Guinée : 50 partis politique dissous et l’autre partie « sous observation »

Le régime de Mamadi Doumbouya dissout une majorité de partis politiques et place les principales formations d’opposition « sous observation ». Un assainissement de l’échiquier politique ou une manœuvre d’exclusion ? Ceci, alors que les autorités tardent à dévoiler le calendrier électoral devant mettre un terme à la Transition.  

Les résultats des audits du gouvernement sur l’état du système partisan guinéen, et plus particulièrement sur la conformité des partis politiques à la règlementation, ont été présentés lundi par le ministère de l’Administration du territoire. Un document de 180 pages conclut des travaux lancés par les autorités guinéennes au mois de juin. Au total, 174 partis sont passés sous le peigne du ministère et en sont ressortis avec des fortunes diverses. Si aucune ne respecte totalement la législation en vigueur, une cinquantaine de formations a été dissoute, cinquante autres ont été suspendus au motif de la présentation d’un agrément non valide, d’absence de compte bancaire ou d’opacité de leur direction. Ces derniers bénéficient de trois mois pour se conformer aux textes.

Le pouvoir défend un « assainissement de l’espace politique »

« Le résultat final, c’est que pour 53 partis politiques, ce sont des agréments illisibles, ou des agréments qui ont des signatures falsifiées de ministres de la République, vous allez avoir également des partis politiques qui ont été créés depuis 1991 ou 1992, qui n’ont jamais eu de compte bancaire. D’autres qui sont mis sous observation, cela veut dire que sur les critères d’établissement qu’on a établi, vous avez certains qui ont au moins 70 % des points. On les met en observation pour que les 30 points à compléter, ils puissent les compléter dans les trois mois à venir », Camara Touré Djénabou, coordinatrice de la réforme et la modernisation de l’état civil et de l’identification au ministère de l’Administration du territoire et de la décentralisation

Se défendant de toute velléité de purge ou de chasse aux sorcières, les autorités guinéennes évoquent plutôt un « assainissement de l’espace politique », national selon les termes du ministre Ibrahim Kalil Condé, en rappelant les formations politiques à leurs obligations. Problème, ce coup de balai inédit en Guinée suscite une levée de boucliers au sein de l’opposition qui dénonce une manœuvre d’exclusion. D’autant, que parmi ces partis « sous observation » figurent le Rassemblement du peuple guinéen (RPG), parti de l’ancien président Alpha Condé, et l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG) de l’ancien Premier ministre et opposant en exil Cellou Dalein Diallo, poids lourds du système partisan d’où pourrait émerger l’alternance.

Préparer le terrain à Mamadi Doumbouya

Pour les pourfendeurs du régime, « nettoyer l’échiquier politique », objectif affiché par le ministère, n’est qu’un prétexte qui masque la volonté de resserrer le jeu politique en vue des prochaines élections présidentielles. Alors que le pouvoir rechigne toujours à communiquer un calendrier électoral, les personnalités du gouvernement et l’entourage du président de Transition Mamadi Doumbouya préparent l’opinion à une candidature, pourtant interdite par la Charte de Transition et exclue par le chef de l’État lui-même dans la foulée de la prise de pouvoir par les armes du CNRD en septembre 2021. À cet égard, le porte-parole du gouvernement, Ousmane Gaoual Diallo, a même affirmé dans le journal Le Monde que « la candidature de [Mamadi] Doumbouya est une évidence » et que « les autres candidats ne pourront jamais être majoritaires ».

De plus, si les militaires s’étaient initialement engagés à céder le pouvoir aux civils d’ici la fin 2024, le Premier ministre Amadou Oury Bah a reconnu que celle-ci serait prolongée d’une année, pour ne prendre fin qu’en 2025 au grand dam de l’opposition et de la société civile, également brimée par le pouvoir, à l’image du FNDC dissout en août 2022.

Par ailleurs, le référendum constitutionnel annoncé en début d’année et prélude à l’organisation d’élections n’a toujours pas été programmé. Autant de non-dits et de lenteurs qui, ajoutés aux mesures drastiques touchant les partis politiques, confortent la société civile et l’opposition dans l’idée que Mamadi Doumbouya poursuit le dessein de se maintenir au pouvoir.  

Teria News

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