« Nous avons été entendus, ils ont été ouverts à toutes les propositions. Je pense qu’à mon niveau, c’est une mission qui a atteint ses objectifs […] Je voudrais qu’on rende hommage aux anciens chefs d’État, le président Soglo et le président Yayi Boni […] Il fallait que le dialogue reprenne parce que, au-delà de la politique, il y a deux peuples […] Quelque soit ce que ça nous coûte, [il faut] discuter avec nos voisins. » Le général Mohamed Toumba, chef de la délégation nigérienne en visite à Cotonou et 24 et 25 juillets, entrevoit une prompte normalisation des relations entre le Niger et le Bénin.
Il aura fallu la médiation de deux anciens chefs d’État du Bénin, mettant leur crédit politique, institutionnel et générationnel en jeu pour résoudre les différends entre les deux pays voisins. Suite à la visite de Nicéphore Soglo et Thomas Boni Yayi fin juin à Niamey, le CNSP nigérien a accepté de dépêcher une délégation au Bénin. Une reprise de dialogue concrétisée les 24 et 25 juillets avec le séjour à Cotonou d’une délégation nigérienne de haut niveau menée par le général Mohamed Toumba, ministre d’État nigérien en charge de l’Intérieur.
Dans la foulée de leur arrivée à l’aéroport Cardinal Bernadin Gantin de Cadjehoun, les membres de la délégation nigérienne ont eu un entretien d’un peu moins de deux heures avec le président Patrice Talon avant de se diriger vers le ministère du Développement et de la coordination de l’action gouvernementale. Autant de cadres qui auront permis des échanges francs entre acteurs politiques et responsables sécuritaires de part et d’autre, à même de lever les malentendus et goulots d’étranglements qui empoisonnent les relations entre le Niger et le Bénin.
Des griefs formulés avec franchise
Un an après la chute de Mohamed Bazoum, emporté par le coup d’État du CNSP le 26 juillet 2023 et les sanctions sévères de la CEDEAO appliquées par le Bénin, les autorités militaires du Niger expriment leur incompréhension devant l’intransigeance d’un pays ami et partenaire séculaire. « La CEDEAO a décidé de fermer ses frontières et également de nous punir, puisque c’est de ça qu’il s’agit. On se souvient qu’il y a un an de ça, beaucoup de commerçants ont perdu beaucoup de biens sur le corridor Bénin-Niger, tout simplement parce que, ici, les autorités en ce temps, n’ont pas cherché à comprendre en réalité quels étaient les tenants et les aboutissants de cette situation. Ils se sont braqués, et très rapidement ils ont fermé la frontière sans discernement alors qu’en pareilles circonstances, normalement au niveau de l’État, on ne peut pas prendre des décisions aussi rapides. On aurait compris s’ils étaient venus nous voir pour nous demander ‘Mais qu’est-ce qui ne va pas ?’ au lieu de nous sanctionner d’emblée et de nous dire de venir parler. Cela n’a pas été productif. Malheureusement, ça a eu beaucoup de conséquences entre nous. », a déploré le général Mohamed Toumba. Le chef de la délégation nigérienne a toutefois poursuivi en appelant à tourner cette page difficile afin de normaliser les relations entre deux peuples frères, en respect des traditions africaines.
« Donc il est temps maintenant de s’asseoir, de discuter et de voir comment nous allons normaliser nos relations. On a compris que les autorités béninoises sont disposées à discuter parce que c’est de ça qu’il s’agit. Nous, on veut que ces relations soient mieux qu’avant. On ne peut pas les prendre comme c’était avant. Nous, on voudrait que ça soit au bénéfice des Nigériens. Voilà, c’est l’intérêt du Niger qui sera mis à l’avant pour que la reprise puisse être effective. Dans un premier temps, nous avons abordé le problème sécuritaire parce que si nous nous engageons à ouvrir la frontière parce que c’est le souhait de tout le monde, tout de suite, dans la foulée, ça va être contre-productif parce que les bandits vont se mettre à attaquer les convois sur les axes. Donc il faut que tout le monde soit d’accord. Nous avons été entendus, ils ont été ouverts à toutes les propositions. Donc, je pense qu’à mon niveau, c’est une mission très positive, c’est une mission qui a atteint ses objectifs. »
Général Mohamed Toumba, Ministre nigérien de l’Intérieur
Gages de bonne foi du Bénin
« Je voudrais qu’on rende hommage aux anciens chefs d’État, le président Soglo et le président Yayi Boni qui sont à la manœuvre parce que, grâce à eux, le dialogue a repris […] Il fallait que le dialogue reprenne parce que, au-delà de la politique, il y a deux peuples : le peuple du Niger et le peuple du Bénin. Les deux peuples que l’histoire a liés, que la nature a liés. […] On ne choisit pas ses voisins. [Il faut] rester avec nos voisins, travailler avec nos voisins, et quelque soit ce que ça nous coûte, discuter avec nos voisins […] La sagesse est revenue, il est temps de dialoguer et d’entrevoir des relations sereines, des relations saines pour que le vire-ensemble entre le Bénin et le Niger puisse continuer et de plus belle », a conclu le général Mohamed Toumba.
En signe de bonne foi, Cotonou s’engage à acheminer à Malanville la soixantaine de blindés militaires retenus jusqu’à présent au Port de Cotonou. Au sujet des bases militaires françaises qui formeraient des terroristes et dont la présence est toujours démentie par le Bénin, le directeur de cabinet militaire de Patrice Talon a proposé à Niamey d’envoyer des officiers faire le tour du Bénin pour qu’ils constatent qu’elles n’existent pas. De plus, le chef d’état-major de l’armée béninoise a affirmé partager les renseignements militaires obtenus par ses services avec ses homologues nigériens concernant les groupes terroristes.
Teria News