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CEDEAO et AES : deux projets rivaux d’intégration sous-régionale

Concurrence des sommets entre la CEDEAO et la Confédération des États du Sahel (ex AES). Ce weekend, s’est joué une bataille de relations publiques entre les deux organisations. En jeu : une rivalité entre deux projets d’intégration sous-régionale et la revendication de la flamme du panafricanisme, tel que portée par les pères fondateurs.

En organisant son premier sommet 24 heures avant celui de la CEDEAO, prévu de longue date se tenir le 7 juillet, les intentions des pays de l’Alliance des États du Sahel étaient claires : griller la politesse à l’institution sous-régionale pour se poser en alternative crédible à un projet d’intégration en crise et réaffirmer, haut et fort, leur sécession de bloc sous-régional.

Ce schisme géographique recoupe surtout des lignes de fracture idéologiques entre d’une part, les tenant d’une approche souverainiste radicale vis-à-vis de toute tentative d’ingérence et de visée impérialiste, de l’autre, une posture plus conciliante, voire de compromission, à l’égard des intérêts étrangers, souvent antagonistes à ceux des peuples gouvernés. À cet égard, la crise nationale, puis et surtout sous-régionale, causée il y a un an par la violente réponse communautaire au coup d’État qui a renversé le président Bazoum, a achevé de diviser l’espace sous-régional en deux groupes distincts, aujourd’hui reflétés par deux organisations rivales.

« Oui ! » à une intégration politique, mais laquelle ?

Cette séquence politique a été l’occasion de relever un paradoxe au sein de la CES. Bien que ses membres n’aient pas manqué de critiquer l’éloignement de la CEDEAO des objectifs initiaux d’intégration économique, un an après la création de l’AES, Mali, Burkina Faso et Niger assument déjà des ambitions d’intégration politique. Dès lors, il apparait clairement que la réelle question n’est pas celle de la pertinence du projet de renforcer une intégration économique en y superposant une intégration politique, mais belle et bien celle de la nature du projet politique porté. Tout en dénonçant cette évolution, marquée par un Protocole additionnel sur la Démocratie et la bonne Gouvernance dont l’interprétation, tantôt restrictive, tantôt extensive, est au cœur de la discorde, la CES a donc paradoxalement dédouané la CEDEAO, en empruntant le même chemin qu’elle, de surcroit avec une relative précocité.

Reste donc la vision imprimée au projet politique. Et c’est bien là que les opinions diffèrent. Du côté de la Confédération des États du Sahel, une posture souverainiste, de disruption et de rupture par rapport à un ordre multilatéral dominé par l’Occident et dont la sous-région était, à leur sens, un satellite. Du côté de la CEDEAO, une passivité à l’égard des rapports de force géopolitiques, voire une porosité aux intérêts de puissances étrangères, contraires à ceux des peuples de la sous-région.

Qui détient la flamme du panafricanisme ?

« Nous devrons sans doute débarrasser la CEDEAO des clichés et stéréotypes qui la réduisent à la posture d’une organisation soumise aux influences de puissances extérieures et distante des populations qu’elle a la responsabilité historique de servir, conformément à son Acte constitutif. Le moment est peut-être venu de réfléchir davantage sur les sanctions communautaires extrêmes, qui, au regard de leurs impacts économiques et sociaux sévères, renforcent malheureusement l’idée d’une institution qui punit ses populations au lieu d’être à leur service et à leur secours. »

Bassirou Diomaye Faye

Affichée ce weekend, principalement à Niamey, la rivalité entre la CES et la CEDEAO porte autant sur le fond que sur la forme. En cela, la démonstration de force du 6 juillet visait à mettre en scène une opération de relations publiques afin de vanter l’attractivité de la Confédération à la dynamique montante, contre une CEDEAO en quête d’un nouveau souffle.

À cet égard, la relance du projet ECO au cours de la 92e session ordinaire du Conseil des ministres de la CEDEAO qui regroupait les ministres des Finances et des gouverneurs des Banques centrales de la sous-région, en prélude au sommet du 7 juillet, après approbation du Nigeria, montre la volonté de la CEDEAO de ne pas se laisser dépasser, encore moins enterrer par la dynamique CES. Il est ainsi question, de part et d’autre, de susciter l’adhésion et de revendiquer être le dépositaire de la flamme originelle du panafricanisme. Toujours membres de l’UEMOA, les pays de la Confédération, pour leur part, se sont dotés samedi d’une Banque d’investissement et d’un fond de stabilisation.

« Nous devons tout faire pour éviter le retrait des trois pays frères de la CEDEAO. Ce serait le pire des scénarios et une grande blessure au panafricanisme que les pères fondateurs nous ont légué et que nous avons la responsabilité historique de sauvegarder et de transmettre aux générations futures. », a également déclaré le président sénégalais. Il est, aux côtés de son homologue togolais, missionné par la CEDEAO pour négocier un retour des pays de l’AES au sein de l’organisation.

Teria News

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