Bamako suspend les activités des partis politiques et associations à caractère politique « jusqu’à nouvel ordre ». Une décision qui intervient alors que plusieurs acteurs politiques dénoncent le maintien des militaires au pouvoir au-delà du 26 mars 2024, fin officielle de la période de Transition.
Atone depuis la prise de pouvoir du CNSP malien en août 2020, et plus encore suite au second coup d’État du colonel Assimi Goïta en mai de l’année suivante, la classe politique malienne a connu un regain d’énergie ces derniers jours. Malgré une relative censure imposée aux professionnels des médias et acteurs politiques, ces derniers ont donné de la voix pour dénoncer le maintien au pouvoir des autorités de Transition au-delà du 26 mars 2024, soit de la période arrêtée avec la CEDEAO.
« Sont suspendues, jusqu’à nouvel ordre, pour raisons d’ordre public les activités des partis politiques et les activités à caractère politique des associations sur toute l’étendue du territoire national »
Décret pris en conseil des ministres par président Assimi Goïta, et lu devant des journalistes par le colonel Abdoulaye Maïga, porte-parole du gouvernement
La CEDEAO désormais sans voix
En 2022, les autorités militaires maliennes s’étaient engagées auprès le la CEDEAO à organiser des élections et à quitter le pouvoir au premier trimestre de 2024. Toutefois, quatre mois avant l’élection présidentielle prévue se tenir en février, Bamako a expliqué avoir contracté une dette de plus de 5 milliards de francs CFA auprès de l’entreprise française Idemia, « raison pour laquelle la base de donnée Ravec est arrêtée depuis mars 2023 ». Les autorités maliennes s’étaient alors appuyées sur la « prise en otage » de ces données par l’ancien partenaire de l’État pour justifier le report sine die du scrutin. Depuis résolue par le piratage de l’entreprise française et le recouvrement des données, cette difficulté n’a cependant pas empêché la tenue du référendum constitutionnel en juin 2023.
Le colonel Maïga a justifié la suspension des partis en invoquant un « dialogue » national initié le 31 décembre par le colonel Goïta et concrétisé par un « Comité de dialogue inter-malien » dans la foulée de la suspension de l’Accord d’Alger, dans le contexte d’une crise diplomatique avec l’Algérie accusée d’ingérence et de soutien tacite aux dissidents du régime militaire. Le lancement de ce « dialogue » ainsi que le non-respect de l’échéance du 26 mars ont donné lieu à des « discussions stériles » et des « hypothèses qui n’ont pas lieu d’être », a estimé le colonel Maïga.
Dénonçant une forme de totémisme électoral, les régimes militaires sahéliens assument déroger aux cycles et chronogrammes électoraux normalisés par un certain paradigme démocratique, principalement au nom de l’urgence sécuritaire due à la nécessité de riposter aux multiples insurrections rebelles qui défient le pouvoir central, déciment les populations et avalent des pans entiers de territoire. Garante de l’accord de Transition conclu avec les militaires maliens début 2022, la CEDEAO est demeurée sans réactions depuis le 26 mars 2024. Une conséquence de l’annonce conjointe du retrait des pays de l’Alliance des États du Sahel, dont le Mali, le 28 janvier dernier, suite à laquelle l’organisation a perdu toute son influence sur Bamako.
Teria News