L’opposant togolais Agbéyomé Kodjo n’est plus. L’ancien Premier ministre s’est éteint en exil à l’âge de 70 ans. Figure de la vie politique togolaise, il était arrivé deuxième à l’élection présidentielle de 2020.
Sa disparition tourne une page de la vie politique togolaise. Gabriel Messan Agbéyomé Kodjo est mort d’un malaise, deux mois après son mentor Mgr Kpodzro.
Opposant dans une seconde vie, il a fait ses classes au sein du pouvoir de l’ancien président Gnassingbé Eyadema. Jeune pousse de la classe politique, dans les années 80, ce dernier le nomme ministre pour la première fois, avant ses 40 ans. Puis, les nominations s’enchaînent.
Enfant, puis adversaire du pouvoir
Après la conférence nationale souveraine, Agbéyomé Kodjo se voit confier le portefeuille ministériel de ministre de la Sécurité. Il sera également directeur du port autonome de Lomé. Il assurera ensuite la présidence de l’Assemblée nationale et la Primature avant la rupture avec Gnassingbé Eyadema, notamment sur fond de dissensions sur le fonctionnement du Rassemblement du peuple togolais (RPT), parti présidentiel. Sa prise de distance le pousse à un premier exil en 2002.
La mort du président Eyadema, survenue en 2005, y met un terme. Agbéyomé Kodjo crée son parti trois ans plus tard et se porte candidat à la présidentielle en 2010. En 2020, il forme une coalition avec plusieurs partis politiques et organisations de la société civile avec le soutien de Mgr Phillipe Fanoko Kpodzro, archevêque émérite de Lomé dénommé « Dynamique Mgr Kpozro » pour prendre part à la présidentielle. Arrivé deuxième derrière Faure Gnassingbé avec 19,45% de voix, Agbéyomé Kodjo revendique la victoire, ce qui le pousse à un second exil.
Tensions pré-électorales
Agbéyomé Kodjo s’éteint un mois avant les élections législatives, pour la première fois, couplées à un scrutin régional. Prévues se tenir le 20 avril prochain après un décalage d’une semaine, elles étaient initialement programmées pour la fin 2023. L’Assemblée nationale togolaise a modifié en janvier une loi organique portant de 91 à 113 le nombre de députés pour ces législatives.
En 2018, les dernières élections législatives avaient été boycottées par l’opposition qui dénonçait alors des « irrégularités » dans le recensement électoral. En panne depuis lors, elle tente de se mobiliser face à l’Union pour la République (UNIR). À l’issue de ce scrutin, la majorité présidentielle UNIR avait perdu 3 sièges, malgré le boulevard ouvert par le boycott de l’opposition.
La faible victoire d’UNIR en décembre 2018 a permis au président Faure Gnassingbé de faire passer une réforme de la Constitution à la mesure de ses ambitions. Clés en mains, la majorité présidentielle a modifié la loi fondamentale le 9 mai 2019, avec 90 voix pour sur 91. Désormais le scrutin présidentiel est uninominal majoritaire à deux tours, au lieu d’un seul, un Sénat est créé, mais surtout, est actée la limitation du nombre de mandats présidentiels à deux exercices de 5 ans au lieu de 7. Si la dernière soustraction est un acquis de la mobilisation de l’opposition, sa principale défaite se trouve aussi être le premier trophée du président togolais : la non rétroactivité de la limitation de mandats. Ainsi Faure Gnassingbé est libre de se représenter en 2020 et en 2025, et pourrait inscrire encore 10 ans de règne à la tête du Togo. Ajoutons qu’à la descente de son fauteuil présidentiel, la nouvelle Constitution lui accorde le statut de sénateur à vie, qui s’accompagne d’une confortable immunité.
Teria News