Il a été décidé de « créer une coalition pour les frappes dans la profondeur et donc les missiles et bombes de moyenne et longue portée » […] D’ici à quelques années, il faut s’apprêter à ce que la Russie attaque les dix pays », a déclaré Emmanuel Macron qui estime que l’envoi de troupes occidentales en Ukraine ne peut « être exclu ». Après l’Afrique, l’ouverture d’un nouveau front entre Paris et Moscou.
Une dangereuse escalade verbale ? Alors qu’il accueillait les représentants de 21 pays dont l’Allemand Olaf Scholz, le Polonais Andrzej Duda et le Slovaque Robert Fico, avec également le chef de la diplomatie britannique David Cameron et des représentants américain et canadien, deux ans après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, Emmanuel Macron s’est posé en leader de la cause ukrainienne.
« Il n’y a pas de consensus aujourd’hui pour envoyer de manière officielle, assumée et endossée des troupes au sol. Mais en dynamique, rien ne doit être exclu. Nous ferons tout ce qu’il faut pour que la Russie ne puisse pas gagner cette guerre », a déclaré Emmanuel Macron le lundi 26 février à l’issue d’une conférence de soutien à l’Ukraine. Il a été décidé de « créer une coalition pour les frappes dans la profondeur et donc les missiles et bombes de moyenne et longue portée », a-t-il aussi annoncé avant d’estimer que « D’ici à quelques années, il faut s’apprêter à ce que la Russie attaque les dix pays ». Le président français a, dans ce cadre, déclaré que la réunion visait à « voir sur le plan national et collectif comment nous pouvons faire plus », en « soutien budgétaire » comme « militaire ».
Emmanuel Macron, allié le plus solide de Kiev ?
Dans un contexte international défavorable à Kiev, principalement en raison de conflits au sein du Congrès des États-Unis sur l’enveloppe d’aide à envoyer l’Ukraine, les élus républicains insistant sur le dossier de l’immigration clandestine, prioritaire à leurs yeux avant l’octroi d’une nouvelle assistance budgétaire à Kiev, le président français semble y voir l’opportunité de prendre un leadership global. D’autant que la perspective d’un retour au pouvoir de Donald Trump, à l’issue des élections de novembre, prochain se fait de plus en plus réaliste, le candidat ayant remporté ce weekend, haut la main, la primaire de Caroline du Sud contre sa rivale, Nikki Haley, pourtant dans son fief.
À ce jeu, l’Elysée se frotte aux ambitions britanniques. En effet, de Boris Johnson à Rishi Sunak, depuis février 2022, les Premiers ministres britanniques ont été les chantres les plus vocaux de la cause ukrainienne. Dans un Royaume-Uni post Brexit, il s’agit pour Londres de rester un acteur majeur de la scène, sinon internationale, du moins européenne, en se positionnant comme l’allié le plus sûr de Kiev derrière les États-Unis.
Après l’Afrique, ouverture d’un nouveau front entre Paris et Moscou
Le 17 février, Emmanuel Macron annonçait vouloir apporter « jusqu’à 3 milliards d’euros » d’aide militaire « supplémentaire » en 2024 à Kiev. De son côté, Moscou a dénoncé au mois de janvier l’« implication croissante » de la France vis-à-vis de l’Ukraine, notamment à la suite de l’annonce du président français, le 16 janvier, de livrer 40 missiles Scalp supplémentaires à Kiev. Vladimir Poutine a plusieurs fois répété que la Russie n’avait aucune prétention sur ses autres voisins d’Europe de l’Est. Le 9 février, lors de son entretien avec le journaliste américain Tucker Carlson, le dirigeant russe a balayé toute ambition sur la Pologne ou les Etats baltes, soulignant le danger d’une guerre nucléaire.
Bousculée en Afrique par le vent souverainiste qui souffle sur la jeunesse du continent, Paris se voit ravir ses emprises, socles de son rayonnement international et de sa place dans le concert des nations, par plusieurs partenaires émergents dont la Russie. Objet de nombreux fantasmes, les partenariats, notamment mais pas uniquement, sécuritaires renforcés avec Moscou éclipsent dans l’espace médiatique les rapprochements de pays africains avec la Chine, la Turquie, l’Inde, le Japon ou encore l’Allemagne. Également à l’offensive sur le continent, mais sans la focale médiatique dont pâtit la Russie, ils sont pourtant des rivaux majeurs de Paris dans ses anciens pré-carrés. Reste que Moscou, à l’en croire la cause de tous ses maux en Afrique, est la principale cible d’une diplomatie française qui refuse de faire son examen de conscience face à ses échecs successifs sur le continent. Ainsi, en représailles à ses revers en Afrique, le réengagement de Paris envers l’Ukraine pourrait représenter l’ouverture d’un nouveau front contre la Russie.
Teria News