« Il n’est plus question que nos États soient la vache à lait de la France. » « Talon veut avoir un […] troisième mandat à travers sa rigueur ou son zèle vis-à-vis de l’AES et du Niger particulièrement en fermant la frontière sous l’injonction du maître. » Dans un entretien accordé à une télévision nationale, le général Tiani justifie la sortie du Niger de la CEDEAO, et tacle tour à tour, les présidents Patrice Talon et Emmanuel Macron.
En une heure d’entretien, le général Abdourahamane Tiani a abordé les sujets brûlants relatifs à l’actualité nigérienne et sous-régionale. Attendu sur la sortie, annoncée dimanche 28 janvier, de la CEDEAO dont le Niger est un État fondateur, le chef du CNSP dénonce le manque d’indépendance de l’organisation. « La décision vient de la France », a-t-il estimé à propos des sanctions subies par le Niger, expliquant alors que la conférence des chefs d’État de la CEDEAO ne dispose pas du pouvoir décisionnaire et l’accusant ainsi d’être influencée par Paris.
Une sortie de la CEDEAO guidée par les intérêts nationaux
Au cours de l’entretien, le général Tiani a évoqué trois raisons justifiant, du point de vue de Niamey, sa sortie de la CEDEAO. D’abord sécuritaire, au regard de la menace d’agression militaire formulée par la communauté contre le Niger pour « rétablir l’ordre constitutionnel » suite au coup d’État du 26 juillet 2023. Morale ensuite, compte tenu de l’embargo sur l’électricité décrété par le Nigéria et sur les denrées de première nécessité dont les médicaments, voté par les membres de l’organisation. Economique enfin, dès lors que les sanctions mettent en danger l’économie nationale alors que, précise le général Tiani, l’objectif initial de la CEDEAO est la prospérité partagée à travers l’intégration économique. Abdourahamane Tiani estime, par ailleurs, que l’institution a été phagocytée par la France depuis 1990 et le discours de La Baule.
« Dites-nous ce que vous voulez, on va statuer dessus et vous accompagner » pour « revenir à la case départ [et] préserver la CEDEAO des peuples », lançait Patrice Talon jeudi 8 février lors d’une conférence de presse. En crise depuis le vote de l’embargo total sur le Niger, les relations de voisinage avec le Bénin ont également été évoquées par le général Tiani. Malgré la sortie du chef d’État béninois où il a exprimé sa volonté d’aplanir les dissentions avec le Niger, le chef du CNSP semble refuser la main tendue par Cotonou. « Talon veut avoir un […] troisième mandat à travers sa rigueur ou son zèle vis-à-vis de l’AES et du Niger particulièrement en fermant la frontière sous l’injonction du maître. », a-t-il déclaré dimanche.
Nouveaux partenaires privilégiés du Niger et sortie du franc CFA
« Nous sommes engagés dans un processus de recouvrement de notre souveraineté totale […] Il n’est plus question que nos États soient la vache à lait de la France. », « La monnaie est une étape de sortie de cette colonisation »
Abdourahamane Tiani, dimanche 11 février
Abordant les partenariats récemment noués ou renforcés par le Niger avec plusieurs puissances à travers la tournée diplomatique du Premier ministre Ali Mahamane Lamine Zeine, Abdourahamane Tiani réitère son intention de renforcer les relations économiques du Niger avec les États visités, et d’autres, sur la base du respect de la souveraineté de Niamey. « Le Niger rétablira ses relations, qui sont anciennes, avec la Russie, avec l’Iran, avec la Turquie, avec tous les États qui respectent notre dignité et notre souveraineté. » « Nos intérêts ont cessé d’être pris en compte au sein de la CEDEAO », a-t-il déclaré.
Houleuses depuis le putsch du CNSP, l’expulsion des troupes hexagonales du territoire nigérien et l’attitude tranchée de Paris à l’égard des nouvelles autorités militaires nigériennes, les relations avec la France ont été sèchement commentées par Abdourahamane Tiani qui rapporte des propos prêtés à des responsables européens, dont le président Emmanuel Macron. « En août 2023, […] un pays de l’Union européenne avait proposé d’aller vers les nouvelles autorités du Niger pour essayer de négocier », afin de sortir de la crise diplomatique consécutive au putsch du 26 juillet. « Le Niger ne vous appartient pas. Le Niger appartient à la France », aurait alors rétorqué le président français.
« Chaque chose en son temps », a-t-il répondu au sujet du maintien du Niger au sein de l’UEMOA. « Nous sommes engagés dans un processus de recouvrement de notre souveraineté totale […] Il n’est plus question que nos États soient la vache à lait de la France. », « La monnaie est une étape de sortie de cette colonisation », explique le général Tiani.
Rappelons qu’en novembre dernier, les ministres de l’économie et des finances de l’Alliance des Etats du Sahel avaient notamment recommandé la création d’un fonds de stabilisation et d’une banque d’investissement. Un premier pas alors posé vers une sortie du franc CFA, monnaie commune aux 8 pays de l’UEMOA.
Teria News