« Nous mettons le paquet sur l’Afrique ». Entre la guerre à Gaza et le conflit russo-ukrainien, Antony Blinken cale une tournée d’une semaine en Afrique. Acculés sur plusieurs fronts chauds et froids comme la mer de Chine, les États-Unis occupent le terrain sur le continent face à la montée de Pékin et Moscou.
Attrape-moi si tu peux. Quelques jours après le séjour sur place de son homologue chinois, Wang Yi, Antony Blinken atterrit à Abidjan suite à une étape au Cap-Vert, terre inaugurale d’une tournée africaine qui le mène également au Nigéria et en Angola.
Après avoir loué le modèle démocratique du Cap-Vert, fer de lance du soft-power américain face à l’autoritarisme chinois et russe, le secrétaire d’État américain pose sur la table de son séjour ivoirien, 45 millions de dollars supplémentaires à destination des pays côtiers, versés aux efforts américains de 300 millions de dollars contre les diverses insurrections islamistes qui, après avoir avalé des pans entiers des territoires malien et burkinabè, attaquent les pays du golfe de Guinée. Antony Blinken y a, de plus, applaudi « l’approche de la Côte d’Ivoire : travailler avec les communautés, les écouter, s’assurer que les forces de sécurité comprennent leurs besoins, leurs inquiétudes », a-t-il déclaré lors d’un point presse aux côtés du président Alassane Ouattara. « Je pense que cela peut servir de modèle très fort pour les autres pays », a-t-il ajouté.
Assurer une présence militaire dans une région bouleversée
La visite du secrétaire d’État américain s’inscrit dans le cadre de la fin l’architecture multilatérale contre le terrorisme en Afrique de l’Ouest et de la panne de l’Initiative d’Accra qui, après sa montée en puissance en novembre 2022 où elle se présentait encore comme le successeur endogène du dispositif antiterroriste sous-régional démantelé dans le cadre des crises diplomatiques qui ont étrillé les relations entre les pays sahéliens dirigés par des régimes de Transition militaire et leurs partenaires occidentaux, en particulier la France.
Les opérations à partir du Niger sont réduites au minimum depuis le coup d’État du 26 juillet 2023. Cette tournée diplomatique américaine intervient en pleine relecture par le CNSP des accords de coopération militaire encadrant la présence des bases étrangères sur le sol nigérien et alors que des informations font état du projet étatsunien d’installer des bases de drone dans trois pays du golfe de Guinée, dont la Côte d’Ivoire, le Ghana et le Bénin. À cet égard, ce séjour a pu permettre de faire avancer les négociations.
Les États-Unis entre le marteau et l’enclume
Fait notable, le secrétaire d’État américain n’a pas séjourné dans un pays sous Transition militaire alors que mi-décembre, la secrétaire d’État adjointe aux affaires africaines, Molly Phee mettait les pieds dans le plat de la diplomatie équilibriste des États-Unis à l’égard de ces régimes, lors d’un séjour au Niger. Sur une ligne de crête entre reconnaissance tacite d’une part, pour préserver les intérêts sécuritaires et géopolitiques de Washington face à l’attrait grandissant qu’exercent les offres de partenariat russe et chinois en Afrique, et d’autre part, les pressions en vue du respect de périodes de Transitions courtes et d’un retour à l’ordre constitutionnel, Antony Blinken a préféré, cette fois, éviter le Sahel. Certainement de peur de légitimer ces régimes d’exception, froisser les chefs d’État de la CEDEAO qui, il n’y a pas si longtemps encore, défendaient une option militaire au Niger, et embrouiller son message.
En la matière, Antony Blinken a prôné au Nigéria « approche globale » consistant à « travailler avec les communautés locales dans un partenariat, démontrer que les forces de sécurité sont là avant tout pour les protéger et répondre à leurs besoins ». Un tacle au paradigme du « tout militaire » jusqu’ici largement promu par les États de la région et leurs partenaires occidentaux et dont les limites sont notamment apparues avec l’échec de la menace militaire agitée contre le CNSP nigérien.
Teria News