Avec l’annonce, le 31 décembre 2023, de la tenue d’un dialogue « inter-malien », Assimi Goïta renationalise le processus de paix. Dans un contexte de crise diplomatique avec l’Algérie, accusée d’ingérence, Bamako enfonce le clou et met son grand voisin du Nord sur la touche.
Le timing de l’annonce du président de Transition renseigne à lui seul la dynamique dans laquelle s’inscrit sa démarche. En crise avec l’Algérie, dont l’ambassadeur au Mali a été rappelé, tout comme son homologue malien à Alger fin décembre 2023, Bamako entend s’affranchir d’une tutelle dont le dernier chapitre, soit l’accord d’Alger de 2015, est davantage perçu comme un joug visant à limiter ses ambitions souverainistes sur l’ensemble du territoire national que comme un instrument pérenne de résolution des différends.
Garant de l’accord de paix signé entre l’État central malien et les ex rebelles de la CMA, aujourd’hui pour la plupart rassemblés au sein du CSP-PSD, il est reproché à Alger d’avoir reçu des chefs rebelles et figures de la dissidence au régime d’Assimi Goïta (l’imam Mahmoud Dicko) sans en avoir notifié Bamako au préalable. Il faut dire que les combats, provoqués par la rétrocession contestée des bases de la MINUSMA aux forces armées maliennes et souvent violents, ont repris au nord Mali, faisant voler en éclat l’accord d’Alger. De plus, les autorités maliennes considèrent la ligne de démarcation entre les rebelles du CSP d’une part et les djihadistes du JNIM d’Iyad Ag Ghaly de l’autre floutée, faisant des uns, comme des autres, des terroristes. Autant d’éléments qui éclairent l’irritabilité de Bamako devant l’initiative unilatérale d’Alger.
Une main tendue rejetée par les rebelles maliens
Un « dialogue direct inter-malien pour la paix et la réconciliation, afin d’éliminer les racines des conflits communautaires et intercommunautaires » et pour « privilégier l’appropriation nationale du processus de paix ».
Assimi Goïta au cours de ses vœux du Nouvel An, le 31 décembre 2023
Le président malien de Transition a ajouté que « l’unicité, la laïcité de l’État et l’intégrité du territoire ne feraient pas partie des sujets de discussion » et assuré que « la lutte contre les groupes armés terroristes », qui inclus les rebelles du CSP, se poursuivrait « jusqu’à la pacification totale du pays ».
Mardi 2 janvier, les séparatistes touareg ont rejeté l’offre des autorités maliennes, estimant que participer à un « dialogue direct inter-malien pour la paix et la réconciliation » serait « une façon de prononcer la caducité définitive de l’Accord [de paix de 2015, ndlr], et de mettre la médiation internationale à la porte », à propos de l’Algérie. « Nous voyons que c’est un rejet d’un accord déjà signé par toutes les parties et garanti par la communauté internationale, et nous ne sommes pas prêts à prendre part à un processus de paix qui ne sera qu’un simulacre. », explique Mohamed Elmaouloud Ramadane, un porte-parole de la rébellion touareg.
Concrètement, la mise en œuvre de ce dialogue sera assurée par un comité de pilotage, prévu être installé et en préciser les contours « au plus tard en février ».
Conjoncturelle ou structurelle, la crise entre Bamako et Alger a déjà des conséquences géopolitiques. Les autorités maliennes ont en effet amorcé un rapprochement avec le Maroc avec lequel l’Algérie a rompu ses relations le 24 août 2021 sur fond de crise sur la question du Sahara occidental. Surfant sur les tensions avec son grand rival régional, Rabah offre aux États de l’AES, un désenclavement via l’accès à ses ports. De plus, bien qu’évoquée ci et là, une reconnaissance de la marocanité du Sahara occidental, ligne rouge posée par l’Algérie dans ses relations inter-étatiques, parait à cette heure hypothétique. Rappelons que le Mali ne partage aucune frontière avec le Maroc, contre plus de 1400 avec l’Algérie.
Teria News