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Démocratie en Afrique : anatomie d’un faux procès

Rétrospective 2023 : épidémie de coups d’États et déclin démocratique en Afrique. Comment le procès contre la démocratie est en réalité le faux-nez d’un ras-le-bol face à la mal-gouvernance, une démocratie purement électorale et le sous-développement. Alors que son émergence fut le fuit de la fusion d’un double agenda : national et global, son aura est aujourd’hui plombée par un désamour générationnel.

Elle a soif d’authenticité, de solder ses comptes avec l’histoire des dominations esclavagiste, coloniale, ainsi que de renverser les structures néocoloniales qui entravent la réalisation de son plein potentiel individuel et collectif en tant que nation, peuple frère et continent. Jamais la jeunesse africaine n’avait auparavant exprimé avec autant de force son rejet de la démocratie. Toutefois, de peur de jeter le bébé avec l’eau du bain, faut-il désarticuler la défiance des jeunes populations urbaines vis-à-vis d’un système de gouvernance perçu comme une énième injonction néocoloniale, imposée au nom d’un consensus universel sur le meilleur des régimes, ou à défaut, le moins pire.

Une bien-pensance qui devait même, selon Francis Fukuyama, signer la fin de l’Histoire. 30 ans plus tard, force est de constater que, de l’Ouest avec les différents chocs qu’elle absorbe, notamment la fracture sociale révélée par l’attaque du Capitol le 6 janvier 2021 aux États-Unis ou la montée des populismes en Europe, à l’Est où Russie et Chine narguent le libéralisme politique de l’Occident, en passant par l’Afrique où les peuples lui opposent ses contre-performances, réelles ou fantasmées, la démocratie libérale vit des heures sombres.

La fusion d’un double agenda : national et global 

Tout avait pourtant bien commencé. L’accès à la souveraineté internationale de nombre d’États africains a consacré le principe du parti-État au nom de la loyauté à vie prétendument due aux sacrifices consentis par les héros de la libération face à l’oppression coloniale. Une fois l’euphorie des indépendances passée, les aspirations d’une société civile éduquée, en mal de libertés, se sont substituées à ce fragile statu quo. Aidés par la chute du mûr de Berlin qui a poussé les régimes pro-marxistes du continent dans les bras d’une architecture internationale soutenue, économiquement par la matrice libérale promue par les institutions de Bretton Woods et politiquement par un Occident aux valeurs triomphantes. Les revendications estudiantines et syndicales, jusqu’alors matées dans la violence et la torture, ont subitement trouvé une brèche. Un alignement endogène et exogène des planètes qui légitima les espoirs populaires. S’ensuivi l’instauration du multipartisme mais aussi, la prise en otage des processus électoraux par les partis au pouvoir avec l’élection, ni légitime, ni légale des autocrates, convertis en « démocrates ».

Sur le plan économique, la crise de la dette des pays du Sud au début des années 1980 avait déjà permis aux populations de goûter à la doctrine libérale avec les programmes d’ajustement structurel. 241 programmes de stabilisation et d’ajustement lancés au cours de la décennie ont entraîné des coupes sévères des subventions dans les secteurs de la santé, l’éducation et les projets de développement rural. La dette de l’Afrique au Sud du Sahara s’éleva à 280 milliards de dollars US, représentant plus de 90 % du produit intérieur brut (PIB). Une fois la cure administrée, les finances publiques « assainies » n’ont toutefois pu cacher l’effondrement à long terme des entreprises et services publics et une précarisation des populations.

Chronique d’un désamour générationnel

Avec 12.7% de chômage en 2022, plus de 20 millions de jeunes en âge de travailler sont sans-emploi en Afrique, selon l’organisation internationale du travail. Un chiffre sous-estimé en tenant compte de la part d’informel des économies continentales. Ce, sans compter l’inflation qui fait tomber les salaires de base en désuétude et les travailleurs dans une extrême précarité. À cette situation économique s’ajoute l’insécurité qui frappe particulièrement le Sahel, aux prises avec une insurrection jihadiste depuis 2012. L’incapacité des régimes démocratiques à répondre aux aspirations socioéconomiques des peuples, autrement dit, à insuffler un véritable développement inclusif, les détournements de deniers publics, le clientélisme, la gabegie, ont propagé une forme de désenchantement vis-à-vis d’un système perçu comme inefficace et complaisant envers les élites.

De plus, les populations protestent contre un régime réduit à sa plus simple expression, à savoir le mode d’accès au pouvoir. En effet, derrière le rejet apparent de la démocratie se cache en réalité une soif de démocratie nourrie par une légitimité d’action publique, ainsi que par une gouvernance participative, et non un système purement électoral qui emprisonne les peuples, le temps de mandats électifs successifs, aux mains de rois fainéants. Mais jusqu’ici, nombre de populations n’ont eu droit qu’à un ersatz de démocratie. En somme, le procès contre la démocratie en Afrique est un faux procès issu d’un amalgame entre les expériences, plutôt malheureuses, faites par les peuples et ses fondamentaux, largement bafoués. Elle devient alors un bouc-émissaire dont la re-légitimation passe par une application effective de ses piliers, un renforcement des contre-pouvoirs et des mécanismes de reddition de compte.

Teria News        

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