« Il pourrait y avoir une partition du Mali dans les semaines ou les mois qui viennent », selon le ministre français des Armées. « Le Mali n’est plus [une] colonie […] et le sort du Mali ne se détermine pas à Paris », rétorque Bamako qui fustige « un plan diabolique de déstabilisation portant atteinte à l’intégrité territoriale du Mali ».
Alors que les tensions couvaient depuis plusieurs mois entre la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) et les autorités maliennes autour de l’application des accords d’Alger (2015), accusés par Bamako de léser l’État central, les hostilités ont repris dans le nord Mali. Le retour des affrontements armés a été déclenché par les mouvements de désengagement de la MINUSMA, amorcés sur la base d’une demande du Mali adressées au Conseil de sécurité de l’ONU en juin dernier.
Les Casques bleus partis, leurs bases sont disputées par les deux camps. L’État malien d’un côté qui fait valoir sa souveraineté sur l’ensemble du territoire national. De l’autre, les rebelles de la CMA et une partie des groupes armés de la Plateforme (à l’origine pro-gouvernementale, tous signataires de l’accord d’Alger), désormais rassemblés au sein du Cadre stratégique permanent pour la paix, la sécurité et le développement (CSP-PSD), qui considèrent pour leur part que certaines des bases onusiennes, notamment celles de Ber (région de Tombouctou), Aguelhok, Tessalit et Kidal (région de Kidal), se situent dans des zones dont ils revendiquent le contrôle, en vertu des accords d’Alger. Le CSP-PSD s’oppose ainsi à la pénétration de l’armée malienne dans ces espaces (qu’ils administraient depuis 2015) sans une reprise préalable des négociations avec Bamako.
Les Fama pressés sur deux fronts
Depuis août, les combats entre les Forces armées maliennes (Fama) et le CSP ont fait 400 victimes (ONG ACLED). En plus de ce nouveau front, les Fama sont soumis à une recrudescence des attaques terroristes dans le nord du pays où le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), affilié à Al-Qaeda, a intensifié ses offensives contre l’armée dans les villes de Gao et Tombouctou, imposant même un blocus autour de la dernière. Le regain d’hostilité de la part des séparatistes et des jihadistes étant concomitant, Bamako y voit une coordination et n’hésite pas à désigner les attaques du CSP de « terroristes ».
Acculé mais maintenant sa résistance à la double offensive du CSP et des jihadistes, l’État malien refuse le défaitisme de certains acteurs, susceptible d’entamer la confiance des Fama comme de revigorer les deux insurrections.
« Un plan diabolique de déstabilisation »
« Eu égard à cette complicité passive de la junte française, le gouvernement de la transition condamne les propos de M. Lecornu et rappelle aux autorités françaises que le Mali n’est plus leur colonie depuis le 22 septembre 1960 et que le sort du Mali ne se détermine pas à Paris, tout en priant ardemment que ses prédictions se retournent contre lui-même et son pays »
Abdoulaye Maïga, porte-parole du gouvernement malien
S’adressant aux sénateurs français le 11 octobre dernier, le ministre des Armées hexagonal a évoqué « un risque quasiment immédiat, dans les semaines qui viennent sur la sécurité du Mali » en lien avec une « reprise de l’activité terroriste qui est absolument bouleversante ». « C’est potentiellement se retrouver dans une situation où il pourrait y avoir une partition du Mali dans les semaines ou les mois qui viennent », a-t-il estimé, en mettant cette éventualité en parallèle avec le choix malien de Wagner sur l’armée française.
Jugeant des propos « subversifs, irresponsables et biscornus », les autorités maliennes ont dénoncé des propos qui portent atteinte « à la souveraineté, à l’unité, ainsi qu’à l’intégrité territoriale du Mali ».
De plus, Bamako accuse Paris de saboter le processus de retrait des forces de la MINUSMA en faisant « fuir la MINUSMA, en lieu et place d’un retrait ordonné, coordonné et sécurisé » afin de favoriser les groupes armés séparatistes. « Les objectifs de cette fuite orchestrée, en prétextant des raisons fallacieuses et en violation du calendrier de cession des emprises aux autorités maliennes, constituent une énième trahison dont sont victimes les forces armées et de sécurité du Mali et visent à équiper les groupes terroristes, en abandonnant délibérément des quantités importantes d’armes et de munitions pour réaliser leur dessein funeste. », a déclaré le colonel Maïga.
Teria News