Mardi 10 octobre, les États-Unis ont pris acte du coup d’État perpétré par les militaires du CNSP et suspendu leur aide budgétaire au pays. Un levier de pression actionné deux mois après le putsch, mais surtout au lendemain de la suspension par l’Algérie de sa médiation.
Jusqu’au mardi 10 octobre, le département d’État jouait sur les mots, tranchant avec ses partenaires européens qui n’avaient pas hésité à nommer la prise de pouvoir par les armes des hommes du CNSP le 26 juillet dernier. En préférant parler de « tentative de coup d’État », Washington se ménageait une marge de manœuvre dans ses négociations avec les putschistes, principalement afin de sécuriser un accord en vue du maintien de ses troupes sur le territoire nigérien. Alors pourquoi maintenant ?
Une législation anti-putschs stricte mais contournée
Le Pentagone marchait sur une ligne de crête. Une position précaire due à la sévérité du législateur américain à l’égard des coups d’État. En effet, en vertu de leur législation, la reconnaissance par les autorités américaines d’un putsch entraine automatiquement la suspension d’une partie ou de l’ensemble de l’aide votée par le Congrès. Ainsi, les réticences du Pentagone et du Département d’État à nommer les faits étaient liées à la nécessité d’instaurer un climat de confiance visant à pérenniser les intérêts américains dans un contexte social éruptif où la présence militaire étrangère est contestée par les opinions publiques sahéliennes.
Depuis 2012, plus de 500 millions de dollars, de la poche du contribuable américain, ont été investis au Niger, en faisant un des programmes d’assistance sécuritaire les plus conséquents d’Afrique de l’Ouest. Le Niger abrite en effet une des bases de drones les plus importantes et la plus onéreuse du dispositif militaire américain à l’étranger. Construite dans la ville d’Agadez, la base 201 agit comme pôle de surveillance du Sahel, mais aussi de la Libye. Conséquence de cette reconnaissance, Washington a suspendu une partie de son aide budgétaire au Niger.
« Les États-Unis ont conclu qu’un coup d’État militaire avait eu lieu au Niger (…) Conformément à l’article 7008 de la loi de crédits annuelle du département d’État, les États-Unis suspendent la plupart de leur aide au gouvernement du Niger (…) Le 5 août, les États-Unis ont temporairement suspendu certains programmes d’aide étrangère au gouvernement du Niger, totalisant près de 200 millions de dollars ».
Ambassade américaine au Niger
Dans la même déclaration, la diplomatie américaine annonce « la suspension par le Millenium Challenge Corporation de toute assistance au Niger, y compris tous les travaux préparatoires sur son Compact de transport régional du Niger de 302 millions de dollars et toutes les nouvelles activités sur son Compact de 2018 ». Toutefois, les États-Unis maintiennent leur « aide humanitaire, alimentaire et sanitaire vitale au bénéfice de la population nigérienne » en appuyant leur « intention de continuer à travailler avec les gouvernements régionaux, notamment au Niger, pour faire progresser les intérêts communs en Afrique de l’ouest ».
Un levier de pression pour accélérer la Transition nigérienne
L’annonce américaine intervient au lendemain de la décision d’Alger de suspendre sa médiation dans la crise nigérienne. Lundi 9 octobre, soit une semaine après les dénégations du CNSP quant à son acceptation d’une médiation autour d’un plan de Transition de 6 mois, l’Algérie a annoncé se mettre en retrait « jusqu’à l’obtention des clarifications nécessaires » par Niamey.
Alors que, dans le cadre de « discussions préparatoires à la médiation algérienne », le ministre algérien des Affaires étrangères et son homologue nigérien « se sont engagés dans des échanges portant sur le programme et le contenu » d’une visite, « ces échanges n’ont pas été concluants sur ces deux sujets », explique un communiqué d’Alger. « De même, des déclarations officielles et publiques d’autorités nigériennes ont suscité des interrogations légitimes quant à leur disposition réelle à donner suite à leur acceptation de la médiation algérienne », ajoute le texte.
Opposés à une intervention militaire de la CEDEAO et en faveur de négociations avec le CNSP pour aboutir à un calendrier de Transition court, les États-Unis ont encouragé et appuyé l’initiative algérienne. Son rejet par les nouvelles autorités de Niamey, acté par Alger, a précipité la reconnaissance du coup d’État et son corollaire de sanctions budgétaires. Ainsi, la diplomatie américaine a-t-elle conditionné toute reprise de son aide à un geste du CNSP « afin d’inaugurer une gouvernance démocratique dans un délai rapide et crédible ». Un levier de pression actionné pour ramener les putschistes à la table des négociations.
Teria News