Il est l’icône de l’excellence Noire au XVIIIe siècle. Né esclave, Joseph Bologne est fait Chevalier de Saint-Georges par Louis XV pour ses talents d’escrimeur. Musicien de génie, il est surnommé le « Mozart Noir » et dirige les Opéras les plus prestigieux de Paris. Découvrez l’histoire du chevalier de Saint-Georges, également au carrefour des révolutions française et haïtienne.
Né en Guadeloupe, son père était un propriétaire de plantation. Joseph fut conçu en 1745 avec Nanon, une de ses esclaves d’origine sénégalaise. Elle n’avait que 16 ans.
Quand Joseph eut 7 ans, son père l’emmena en France. Or, en 1315 Louis X avait décrété que tout esclave foulant le sol de la métropole française était libre. À 13 ans, Joseph fut inscrit dans une école d’escrime où il se révéla particulièrement talentueux, au point de vaincre des escrimeurs bien plus aguerris que lui. À sa mort, son père leur laisse à lui et sa mère Nanon, un héritage confortable.
De Joseph Bologne à Chevalier de Saint-Georges
La renommée de Joseph était telle qu’il fut à l’affiche d’un duel qui fit grand bruit. Le combat l’opposait à un maître escrimeur de Rouen. Mais plus qu’un simple affrontement entre deux hommes, la rencontre prit une dimension politique, les deux camps représentant les pôles opposés du débat sur l’esclavage. Ainsi, les tenants de la traite se sont-ils rangés derrière le maître alors que les abolitionnistes portèrent leurs espoirs sur Joseph afin de réfuter, une fois de plus, la thèse raciste de la supériorité blanche. À la surprise générale, Joseph l’emporte sur le maître.
Cette prouesse le propulse automatiquement au sein de la garde personnelle de Louis XV et lui confère le titre de Chevalier.
Le « Mozart Noir » invisibilisé
Mais au-delà d’être un escrimeur remarquable, Joseph s’est aussi et surtout fait connaitre pour son génie musical dont les solos exerçaient une attraction particulière sur la gente féminine. Violoniste virtuose, il compose plusieurs sonates, symphonies concertantes pour quatuors d’archet ou concertos. Beethoven le tenait en grande estime. Il devient chef d’orchestre en prenant la direction du Concert des Amateurs, alors parmi les orchestres les plus prestigieux de l’époque. Il se verraensuite confier celle du Concert Spirituel, puis du Concert de la « Société Olympique ». On rapporte que la reine Marie-Antoinette était une se ses plus grandes admiratrices.
Le chevalier de Saint-Georges était alors une des personnalités les plus prééminentes de la scène culturelle française, l’équivalent d’une rock star contemporaine. En cette qualité, il fréquentait la crème de la haute société et séduisait de nombreuses dames. Toutefois, sa couleur de peau était le frein ultime à toute union avec une femme Blanche. L’amour de sa vie, Marie-Joséphine de Montalembert, fut aussi un amour interdit car mariée à un général. Cette dernière donna naissance au fils de Joseph mais le général l’éloigna elle et son enfant de Joseph. L’enfant meurt sans que Joseph n’ait pu le connaitre.
L’admiration que lui portait la gente féminine fut son seul plafond de verre. En effet, alors que la célèbre danseuse Marie-Madeleine Guimard s’éprend de Joseph, elle voit ses avances rejetées. La diva se venge d’avoir été éconduite lorsque Joseph est pressenti à la tête de l’Opéra de Paris. Marie-Madeleine et deux autres danseuses écrivent alors à la reine pour protester contre une telle nomination en affirmant qu’elles ne pourraient jamais se soumettre à l’autorité d’un « mulâtre ». Déçu, Joseph se reporte sur la position de directeur de l’opéra privé du Duc d’Orléans où il vécut et travailla avec le jeune Mozart.
Acteur des révolutions Haïtienne et Française
À 45 ans, Joseph s’engage dans la révolution française au nom de l’égalité de tous les citoyens, défendue par les révolutionnaires. Il fut envoyé à Londres pour donner des performances d’escrime pour le roi Georges III, mais son voyage avait aussi pour objectif de tisser des liens avec les abolitionistes locaux. Dans la capitale britannique, il fut attaqué par des assassins, envoyés par des esclavagistes se sentant menacés par les activités de Joseph. Mais il parvint à prendre le dessus des combats et à s’enfuir.
Échaudé par la politique une fois de retour en France, il s’enrôle dans l’armée révolutionnaire au sein de laquelle il est nommé colonel du premier régiment de Noirs, connu comme la légion Saint-Georges. Joseph fut pris en tenaille dans les rivalités entre factions révolutionnaires. Déchu de son rang et emprisonné pendant 18 mois, il fut libéré sans toutefois être réintégré dans l’armée révolutionnaire. Joseph fit le choix d’un retour dans les Caraïbes pour combattre aux côtés des Noirs de la colonie de Saint-Domingue qui deviendra Haïti, le premier État noir indépendant. Après deux ans, Joseph revient en France. La gangrène l’emporte à l’âge de 53 ans, en 1799. Il ne vécut pas assez longtemps pour voir l’abolition totale de l’esclavage en France en 1848. La vie de Joseph Bologne est dépeinte dans le film « Chevalier », sorti en avril 2023.
Teria News