Esclave, il a sauvé des centaines de personnes de la mort au cours d’une épidémie de variole grâce à une technique africaine ancestrale, prélude à la vaccination. Mais jusqu’en 2016, le mérite en a été attribué à un médecin Blanc. Voici l’histoire d’Onésime, Africain arraché au continent qui a introduit l’inoculation en Amérique.
Onésime est né en Afrique à la fin du XVIIe siècle et a échoué sur le port de Boston, victime de la traite transatlantique. Il vivait au sein d’une communauté d’un millier d’Africains, amenés de force au Massachussetts dès 1638.
Onésime est acheté par le pasteur puritain Cotton Mather. Il apprend alors à Mathers le secret séculaire de l’inoculation, répandue en Afrique. En effet sur le continent, Onésime a appris à extraire un micro-organisme, en l’occurrence du pus du cops d’une personne infectée pour l’implanter dans une plaie ouverte sur le bras d’une personne saine. Il est ainsi possible d’introduire délibérément la variole dans l’organisme d’un individu sain pour l’immuniser.
Onésime décrit à Mathers l’inoculation qui a été appliquée sur lui et d’autres personnes de sa communauté. Comme retranscrit dans son journal, Mathers déclare qu’Onésime lui a raconté avoir « subi une opération, qui lui avait donné quelque chose de la variole et l’en préserverait à jamais… et quiconque avait le courage de l’utiliser était à jamais libre de la peur de la contagion ».
L’inoculation sauve de nombreux citoyens de Boston
Les révélations d’Onésime font de Mathers un apôtre de l’inoculation. Bien que considérée comme particulièrement risquée à l’époque, Cotton Mather convainc le médecin Zabdiel Boylston de reproduire la procédure quand une épidémie de variole éclate à Boston en 1721. À l’époque, la variole tuait dans 30% des cas et représentait un des pires cauchemars en termes de santé publique. Prémices de la guerre bactériologique, elle a été sciemment introduite par les colons dans les communautés indiennes pour les décimer sans avoir à prendre les armes…
242 personnes ont ainsi été inoculées, mais avant elles, Boylston appliqua la technique à son propre fils et à un de ses esclaves. Zabdiel Boylston a dû faire face à l’opposition farouche de la classe politique, de leaders religieux, mais surtout de la communauté scientifique au point que sa vie, ainsi que celle de Cotton Mather en furent menacées. Ce, malgré les chiffres indiquant que seuls 2% des patients inoculés avaient perdu la vie, comparé à un taux de mortalité de 15% chez ceux à qui la variole n’avait pas été inoculée. Ce n’était pas une vaccination, qui implique une exposition à un virus moins dangereux pour provoquer l’immunité, mais elle a activé la réponse immunitaire du receveur et protégé contre la maladie la plupart du temps.
Une reconnaissance tardive
Après avoir été expérimentée à Boston, la technique introduite par Onésime a été utilisée pour vacciner les soldats américains pendant la guerre d’indépendance contre le colon anglais.
Toutefois, l’épitaphe sur la tombe de Boylston lui en attribue à tort le mérite comme « le premier à avoir introduit l’inoculation en Amérique ».
L’épidémie de variole a tué 844 personnes à Boston en 1721, soit 14% de la population urbaine mais a constitué un précédent dans l’étude des épidémies, la recherche sur la riposte sanitaire et plus particulièrement, fut un premier pas vers la vaccination. En 1796, Edward Jenner développait le premier vaccin contre la variole.
Ce n’est qu’en 2016 que la communauté scientifique reconnaît le rôle précurseur d’Onésime. Il a été placé parmi les 100 plus éminents citoyens de la ville de Boston par le Boston Magazine. L’historien Ted Widmer estime que « Onésime a inversé plusieurs préjugés traditionnellement partagés par les colons. Il avait bien plus de connaissances médicales que la plupart des européens de la ville de Boston à l’époque ». Quelques années après l’épidémie de variole, Onésime est parvenu à racheter sa liberté à Cotton Mather.
Teria News