Née esclave au début du XIXe siècle, Biddy Mason devint en 70 ans, la première millionnaire Afro-américaine et une des plus grandes fortunes de Californie. Grâce à son sens affuté des affaires et sa discipline financière, Biddy s’est imposée comme une des premières magnats de l’immobilier à Los Angeles. Découvrez l’histoire oubliée d’une femme d’exception.
Son histoire recoupe celle de l’esclavage, l’émancipation et l’expansion vers l’Ouest américain. Biddy Mason naît le 15 août 1818 dans le compté de Hancock en Géorgie, situé dans le Sud profond et esclavagiste des États-Unis. Appelée Bridget à la naissance, elle était davantage connue sous le nom de « Biddy », nom sous lequel l’histoire se souviendra d’elle. Née esclave, Biddy a été séparée de ses parents et vendue à un autre propriétaire de plantation nommé Robert Smithson, la conditionnant à une enfance rythmée par des taches ardues. Mais pendant cette enfance volée, Biddy a aussi acquis des compétences qui lui ont permis de prospérer plus tard. Biddy apprend en effet les secrets de l’agriculture et de la médecine traditionnelle africaine dont les connaissances ancestrales, apportées par les autres esclaves, lui ont été transmises. Sur la plantation de Robert Smithson, Biddy apprend également les rudiments du métier de sage-femme.
En 1936 sa vie change à nouveau quand Biddy est soit donnée comme « cadeau de mariage » ou vendue à Robert et Rebecca Smith, un jeune couple propriétaire d’une plantation dans l’État du Mississipi. Elle y passera la prochaine décennie de sa vie au cours de laquelle elle donnera naissance à 3 filles : Elle, Ann et Harriet, soupçonnées avoir été conçues avec Robert Smith. En 1847, l’arrivée de missionnaires Mormons marque un nouveau tournant pour Biddy. Devenu prosélyte, Robert Smith décide de déménager dans l’Utah où les leaders Mormons, à la recherche d’une terre promise dans le grand Ouest des États-Unis, avaient décidé de s’établir. Robert Smith embarque dans l’aventure sa famille et ses esclaves, dont Biddy et ses trois filles. Le convoi s’installe à Salt Lake Valley, capitale mondiale de la communauté mormone devenue plus tard Salt Lake City.
Une fois arrivés dans l’Utah, Smith et son groupe s’installent dans la ville de Cottonwood, près de Salt Lake City.
La Californie, terre de liberté
L’Église des Saints des derniers jours ne portait pas de convictions abolitionistes mais Brigham Young, Successeur de Joseph Smith, fondateur de l’église prit une décision qui permis à Biddy de devenir libre. En 1848 à l’issue de la guerre Mexico-américaine, les États-Unis conquièrent de vastes territoires allant du Texas à l’océan Pacifique, dont l’ancien territoire mexicain d’Alta California, devenu l’État de Californie une fois passé sous domination américaine. C’est aussi en cette année que furent découverts des gisements d’or, à l’origine de l’historique « ruée vers l’or » qui marqua cette époque. L’afflux de familles en quête de fortune permit l’essor du nouvel État dont Brigham Young a alors souhaité que son église profite. Il y envoie une mission en 1851, plus précisément à San Bernadino en rappelant au convoi que lorsque la Californie est devenue le 31e État américain en 1850, il a rejoint l’Union en tant qu’État non esclavagiste et dès lors, personne ne pouvait avoir le statut d’esclave dans cet État. En conséquence, tous ceux qui y emmèneraient leurs esclaves, ont reçu l’ordre de les libérer une fois arrivés.
Cependant, Robert Smith qui, comme beaucoup d’autres propriétaires d’esclaves s’est gardé de les informer de la disposition prise par Brigham Young, avait d’autres projets. De plus, bien qu’anti esclavagiste, l’État de Californie poursuivait rarement les propriétaires d’esclaves. Biddy et ses filles sont donc demeurées dans cet état plusieurs années après leur arrivée en Californie. En 1855, l’ainée de Biddy, Elle, commença à fréquenter un homme Noir libre appelé Charles Owens de qui la famille apprit que l’État de Californie avait adopté une loi interdisant l’esclavage. Biddy entame alors une procédure devant la justice californienne à l’issue de laquelle elle et ses filles sont déclarées libres. Nous sommes en 1856 et Biddy a alors 38 ans. Elle adopte comme nom de famille « Mason », du nom d’un mormon pour qui elle avait travaillé et qui a certainement dû gagner son respect.
Brillante femme d’affaires et millionnaire
Libres, Biddy et ses filles emménagent d’abord avec les Owens. Biddy devient infirmière et utilise les secrets médicinaux appris en Géorgie. Elle prospère rapidement alors que la Californie est ravagée par une épidémie de variole à la fin des années 1950 et au début de la décennie suivante.
En dépit de rentrées d’argent conséquentes, Biddy vit modestement et préfère épargner. En 1966, elle avait assez d’économies pour acheter sa propre maison à Spring Street, dans la ville de Los Angeles, pour 250 dollars. Une bouchée de pain à l’époque, le quartier étant situé en périphérie de la ville. Mais il en devient rapidement un des poumons avec l’expansion urbaine. Biddy devient alors une des premières femmes Afro-américaines propriétaire en Californie. Ce n’était qu’un début. Inspirée par son premier achat, Biddy fit des opérations immobilières avisées en achetant à bas pris des maisons situées en périphérie de Los Angeles qu’elle revendait plus tard bien plus cher, les biens prenant de la valeur avec l’inexorable élargissement de la ville. Au début des années 1880, Biddy avait accumulé une fortune considérable, utilisée pour construire des immeubles commerciaux dans la ville qu’elle loua plus tard comme bureaux.
Son sens affuté des affaires fit d’elle, née esclave dans une plantation de Géorgie 70 ans plus tôt, une femme dont la fortune était estimée à 300.000 dollars de l’époque, l’équivalent de 10 millions de dollars aujourd’hui.
Co-fondatrice de la branche locale de la « First African-Methodist Episcopal Church », la première église afro-américaine de Los Angeles, Billy rendit à la communauté. Elle fut une grande philanthrope, construisant des écoles, accordant de l’aide légale aux prisonniers ou encore créant un orphelinat. Elle était connue comme « Grandma Mason ».
Biddy meurt le 15 janvier 1891 à 73 ans. Malgré son parcours et sa place dans sa communauté, elle fut enterrée sans épitaphe dans le cimetière d’Evergreen. C’est seulement un siècle plus tard que ses contributions à l’histoire de la Californie ont été reconnues. Une large pierre tombale fut alors érigée sur sa tombe en 1988. L’année suivante, le Musée Afro-américain de Californie tint une exposition honorant sa vie et déclara le 16 octobre 1989 comme le « Biddy Mason day ». Aujourd’hui, le Biddy Mason Memorial Park situé à Los Angeles est ainsi nommé en son honneur.
Teria News