Le saviez-vous ? Les premiers Cowboys étaient des Noirs fuyant leur condition d’esclaves. Plusieurs icônes romanesques, glorifiant la liberté qui caractérise l’esprit des États-Unis comme Britt Johnson, incarné par l’acteur Blanc John Wayne, ont été invisibilisées par Hollywood. C’est le récit du blanchiment du Far-West américain et d’une falsification politique de l’histoire.
Ils étaient des centaines de milliers. Ces héros de l’Ouest américain ont participé à la construction de l’identité nationale des États-Unis et furent l’inspiration derrière les produits les mieux exportés de son industrie cinématographique. En quête d’une vie meilleure, ils furent des milliers à migrer vers l’Ouest, détruisant au passage les communautés Amérindiennes qui se dressaient sur leur passage. Parmi eux, de nombreux Noirs, plus avides encore de liberté.
Dans « The Searcher » ou « La Prisonnière du désert » de John Ford, la star John Wayne incarne Britt Johnson, un cowboy qui affronta seul toute une tribu Amérindienne pour libérer avec succès sa femme et leurs deux enfants ayant survécu à l’attaque de leur famille. Sauf que Britt Johnson était Noir. Son histoire, portée par un acteur Blanc, est considérée comme un des plus grands chefs d’œuvres du genre Western.
Particulièrement prisé des Noirs, à l’instar du mythique Bass Reeves, l’Ouest représentait la liberté pour des esclaves fuyant leurs chaînes, le plus souvent tenues par des Blanc, mais aussi, de façon plus marginale, par des Amérindiens. Ces derniers, comme la tribu Cherokee, étaient incités à posséder des esclaves Noirs pour accéder au statut de « civilisés » aux yeux des Blancs. Cette version du « diviser pour mieux régner » a permis d’éviter une alliance entre deux communautés oppressées par les Blancs.
L’histoire de l’Ouest américain, indissociable de celle des Afro-américains
À la fin de la Guerre de Sécession (1861-1865), 4 millions d’affranchis Noirs n’ont ni terre, ni les moyens d’en cultiver une. Nombreux sont-ils alors à prendre la direction de l’Ouest à la recherche de parcelles et d’un destin vierge, loin de la fatalité qui consiste à rester employé de la même plantation, cette fois, en tant qu’ « homme libre », mais toujours exploité et payé une misère pour un travail harassant. D’autres restés sur place, sont contraints de louer les terres qu’ils ont toujours cultivées. Ainsi, le capitalisme sauvage a juste changé de visage. Étouffés par le poids des dettes (achat de graines, charrues…), ils finissent ruinés. Une oppression cédant la place à une autre : c’est l’avènement de l’esclavage économique, notamment dénoncé par W.E.B du Bois dans « The Souls of Black Folks ».
En plus de la misère économique, les anciens esclaves restés sur les plantations doivent aussi échapper aux milices terroristes blanches constituées en réaction au XIIIe amendement abolissant l’esclavage, dont le Ku Klux Klan. Pour ces Noirs persécutés, le Grand Ouest apparait alors comme la « Terre promise ». Ceux qui quittent le Sud pour le Kansas à l’Ouest, entament un périple appelé « The Great Exodus » (le Grand Exode) par les historiens. Les « exodusters » portent en eux la promesse de la terre et de la liberté.
Les Cowboys : de simples éleveurs à « hors-la-loi »
Beaucoup de ces « exodusters » exercent l’activité de « cowboys » car la viande de bœuf devient soudainement prisée dans la culture américaine. Il s’agissait en principe de simples garçons vachers qui passaient des mois sur leur selle et qui, la plupart du temps contrairement aux représentations cinématographiques, n’étaient pas armés. À l’origine, « cowboys », terme condescendant par l’usage de « boy » (garçon) au lieu d’ « homme », désignait d’anciens esclaves Noirs s’occupant du bétail et soulignait le fait qu’ils n’étaient pas considérés comme les égaux des Blancs. Mais les Noirs, comme le mythique Nat Love, ont fait de cette liberté une fierté.
Territoire des hors la loi Blancs qui jouissaient d’une impunité notoire due à leur couleur de peau, l’Ouest américain était prisé des bandes criminelles qui y ont semé le chaos, comme représenté dans les Westerns. Bass Reeves, icône Noire qui s’est battu aux côtés des abolitionistes durant la Guerre de Sécession, est représenté dans le film « Hell on the Border ». Il a combattu les hors-la-loi en sa qualité de premier maréchal adjoint Noir des États-Unis. Incorruptible, monté sur un cheval blanc, tirant « plus vite que son ombre », il arrête 3 000 criminels en se déguisant parfois en cowboy, mais est incarné dans le personnage du « Lone Ranger » par un Blanc portant un masque noir…
Par ailleurs, l’Ouest permet aussi aux Noirs de devenir soldats dans l’une des 4 unités noires crées par le Congrès. Ainsi, 20% des cavaliers de l’armée américaine étaient alors Noirs. Envoyés au Far-West, ils sont utilisés pour faire le sale boulot : expulser les Amérindiens de leurs terres, y compris par les armes, et compter les morts pour faire place aux colons Blanc. On se souvient d’eux comme des « Buffalo soldiers ».
Dans les Westerns, alors que les Blanc sont les « gentils », les Amérindiens sont les « méchants » et les Noirs eux, sont invisibilisés. Ces représentations hollywoodiennes nourrissent le suprémacisme blanc puisque les seuls méritant le statut de héros sont des Blancs. Au-delà d’un choix de représentation, se cache une véritable construction politique. Elle est aujourd’hui dénoncée, notamment à travers des films engagés à restituer la réalité historique comme « The Harder They Fall » qui montre un Nat Love Noir incarné par Jonathan Majors et une bande de voyous menée par l’acteur Idriss Elba.
Teria News