Ce weekend, l’Union africaine (UA) et la CEDEAO ont renforcé leurs sanctions contre le Mali, le Burkina Faso et la Guinée. Soi-disant arc-boutée contre les régimes issus de coups d’État, l’UA accorde toutefois sa présidence tournante au putschiste comorien Azali Assoumani. Récit d’une faillite morale et d’un auto-sabordage.
À contre-courant et à contre-temps des opinions publiques, l’Union africaine (UA) et la CEDEAO se sont encore illustrées par leur faillite morale. Le double sommet de ce weekend à Addis-Abeba isole davantage les élites continentales de leurs populations. Alors que ces deux groupes évoluent de plus en plus selon des dynamiques et une vision du monde centripètes, le hiatus qui les sépare les rapproche, jour après jour, d’une scission nette.
Actées samedi 18 février contre les régimes issus de coups d’État que sont le Mali, le Burkina Faso et la Guinée, les sanctions frappant ses pays ont été simplement reprises par l’UA, le lendemain. Non contente de reconduire les sanctions contre Bamako, Ouagadougou et Conakry, la CEDEAO les a renforcées en décidant « d’imposer une interdiction de voyager aux membres du gouvernement et autres hauts fonctionnaires des trois pays ».
Un « deux poids, deux mesures », reflet d’une absence de convictions
« L’assemblée a réaffirmé sa tolérance zéro face aux changements de gouvernement anticonstitutionnels. L’Union africaine maintient qu’elle ne tolère, en aucun cas, les méthodes non-démocratiques pour accéder au pouvoir politique. »
Bankole Adeoye, Commissaire Paix et Sécurité de l’Union africaine
Dans le cas de l’UA et la CEDEAO, d’aucuns seraient tentés de parler de dissonance cognitive, soit un écartèlement entre d’une part, convictions profondes, valeurs et d’autre part, les actions posées. Mais encore faudrait-il que les deux organisations aient fait preuve de cohérence dans leurs contradictions. Or, même en la matière, en approuvant d’un côté certains régimes putschistes et en choisissant d’en condamner d’autres de l’autre, UA et CEDEAO manquent de constance. Ainsi, le Tchadien Mahamat Déby, bel et bien issu d’un coup d’État institutionnel, continue de bénéficier de passe-droits quand l’UA accable les régimes de Transition de la sous-région Ouest-africaine. De plus et pour ne rien arranger, au cours d’un même sommet où l’organisation raidit sa position à l’égard de ces trois pays, l’UA permet au comorien Azali Assoumani, arrivé au pouvoir à la faveur d’un putsch en 1999 avant d’être élu en 2002, 2016 et 2019, de prendre sa présidence tournante.
Ici, au-delà de la dissonance cognitive, ces éternelles contradictions témoignent davantage d’une absence de convictions. Serait-ce alors du pragmatisme ? Dans ce cas, à quelle logique obéirait-il ? Celle des intérêts des peuples africains étant d’office écartée, reste celle des bailleurs dont dépendent UA et CEDEAO pour leur fonctionnement. Et c’est là que le bât blesse.
Un retour de bâton pour les trois régimes de Transition
Les décisions jumelles des deux organisations interviennent après une suite d’évènements qui ont pu causer la crispation observée le weekend dernier. Premièrement, le front diplomatique commun ouvert par le Mali, le Burkina Faso et la Guinée avec le sommet tripartite du 9 février passé, notamment en vue de faire bloc pour obtenir l’annulation des sanctions. Deuxièmement, le projet de fédération porté par le Premier ministre burkinabè Apollinaire Joachim de Tambela au grand dam de la CEDEAO. Troisièmement, la demande par Ouagadougou, du départ de la force française Sabre.
Survenus coup sur coup en amont du double sommet CEDEAO-UA, ces évènements ont pu être mal perçus par les institutions, comme leurs bailleurs, alors qu’ils ont été salués par les peuples. Mais en renouvelant ainsi sa loyauté à des intérêts étrangers, voire impérialistes, l’UA et la CEDEAO poursuivent leur opération d’auto-sabordage.
Teria News