Pour sa première tournée africaine au titre de l’année 2023, Emmanuel Macron se rendra dans plusieurs pays d’Afrique centrale dont le Congo Brazzaville et le Gabon. Le président français marque ainsi un retour vers le pré-carré traditionnel, jusque-là soigneusement boudé, et ravive la Françafrique de ses prédécesseurs.
En disgrâce sur le continent africain, pourtant central dans la vision du général De Gaulle visant, à travers un empire post-colonial consolidé par un ensemble opaque de pactes militaire, financier et politique conclus avec ses élites, à donner à la France une profondeur stratégique et à prolonger son influence dans le nouvel ordre issu de la Seconde Guerre mondiale, tous les actes posés par Paris dans le cadre de sa politique africaine sont scrutés avec défiance. Le fruit d’un héritage colonial qu’élites continentales et hexagonales ont rechigné à liquider en 60 ans d’indépendances et qui, en cette première partie du XXIe siècle, se voit réapproprié par les masses décidées à enfin tourner la page.
Regagner du terrain par le haut : les élites africaines
C’est dans ce contexte que s’inscrit la première tournée africaine du président français Emmanuel Macron. D’emblée un échec vis-à-vis des populations envers qui, à l’ère des réseaux sociaux où circule une information institutionnelle noyée par des voix « non autorisées » mais créditées de la « vérité », la France a irrémédiablement perdu la bataille de la communication, Emmanuel Macron ne peut que tenter de réchauffer le réseau tissé avec les élites continentales. Mais là aussi, rien n’est gagné.
En effet, le Gabon d’Ali Bongo, première étape de la tournée du président français, et pôle de la Françafrique sous son père, feu Omar Bongo, a tourné le dos à l’Hexagone. Avec son adhésion formelle au Commonwealth, Libreville, à défaut de couper le cordon ombilical avec Paris, met officiellement la France en ballotage avec ses multiples concurrents. Reste que le président gabonais doit à Paris son fauteuil et, à quelques mois du prochain scrutin présidentiel (décembre 2023) où il est candidat à sa propre succession malgré les séquelles de son accident vasculaire cérébral et au grand dam de l’opposition et de la société civile, Ali Bongo ne peut qu’accueillir une visite qui fait office de soutien. Officiellement toutefois, le président français se rend au Gabon pour assister au One Forest Summit, une rencontre sur la préservation des forêts tropicales.
Retour à la case départ : le pré-carré traditionnel
Le 3 mars, Emmanuel Macron se rendra en Angola dont la France n’a cessé de se rapprocher ces dernières années, puis au Congo Brazzaville où un président français n’avait pas mis les pieds depuis 2009. Le président français achèvera sa tournée en République démocratique du Congo, en conflit diplomatique ouvert avec le Rwanda voisin accusé de soutenir la rébellion armée à l’Est du pays et tenté par un partenariat sécuritaire avec Wagner. Par ailleurs, comme le Gabon, la RDC est en année électorale.
Il s’agit aussi pour la France de défendre son offre en termes de coopération économique, en particulier dans les secteurs de l’agriculture, de l’automobile, du transport ferroviaire, de la pharmacie, des télécommunications et de la transition énergétique dans un contexte de concurrence accrue. En effet, les parts de marché des entreprises françaises présentes en Afrique sont passées de 10,6 % en 2002 à 4,4 % en 2021, quand celles des entreprises de chinoises ont, dans le même temps, grimpé de 3,8 % à 18,8 %.
Alors qu’au cours de son premier mandat, Emmanuel Macron a symboliquement boudé ces pays (hormis l’Angola) aux relations historiquement incestueuses avec Paris, le président français amorce un retour vers le pré-carré traditionnel de l’Hexagone et ce faisant, acte d’une part, l’échec de la politique africaine de son premier mandat. Axée sur le soft power, elle avait été initiée en 2017 par la rencontre d’étudiants à Ouagadougou et la promesse de restitution d’une partie du patrimoine culturel africain pillé pendant la colonisation. D’autre part, Emmanuel Macron assume de raviver la Françafrique de ses prédécesseurs, celle-là même qu’il avait pourtant juré d’enterrer. Passée la posture de réformateur, le locataire de l’Elysée s’inscrit ouvertement dans la continuité.
Teria News
