« Je la mettrai à ma place », disait son père, le pharaon Thoutmôsis Ier. Elle est la « première grande femme dont l’histoire ait gardé le nom ». Hatchepsout fut une des premières femmes pharaons d’Égypte antique. Effacée puis restaurée à la mémoire collective au début du XIXe siècle à la faveur de découvertes archéologiques, voici son histoire.
Née entre 1508 et 1495 avant notre ère à Thèbes, Hatchepsout est une Reine de l’Égypte antique, fille du pharaon Thoutmôsis Ier et de la Grande épouse royale Ahmès. Christiane Desroches Noblecourt, la célèbre archéologue française spécialisée en égyptologie la décrit comme une « petite fille d’une coudée de long, au visage triangulaire marqué d’une finesse, d’un charme et d’une noblesse extrême ». Outre de la mère d’Hatchepsout, Thoutmôsis eut d’autres enfants, plus précisément trois garçons avec des concubines.
Une princesse royale préparée à un grand destin
En l’an 1506 avant notre ère, le pharaon Amenhotep Ier disparaît alors qu’il n’avait aucune descendance. Désigné héritier par Amenhotep Ier lui-même, Thoutmôsis devient alors roi. La princesse Hatchepsout n’avait alors que huit ou neuf ans au cours de ces événements. Elle devient logiquement princesse royale.
La maturité et l’esprit dont fera preuve la princesse Hatchepsout incitera son père à la préparer à jouer un rôle important dans la vie du royaume. Sur un mur du temple de Deir el-Bahari, on pouvait en effet lire l’inscription venant du Roi : « Je la mettrai à ma place ». Selon l’égyptologue belge Claude Vandersleyen, il s’agissait d’un choix bien mûri et raisonné, les autres héritiers du roi étant de santé fragile. La princesse Hatchepsout fut ainsi favorisée comme successeur.
Au cours de la seconde année de son règne, Thoutmôsis Ier entreprit une expédition au royaume de Koush. C’est en son absence que l’oracle du dieu Amon proclama à Karnak : « L’an II, le 2e mois de Peret, le 29e jour fut celui de proclamer mienne les Deux Terres dans la cour large du ‘Harem du Sud’. Voici que Sa majesté rendit un oracle en présence de ce dieu parfait. Et mon père apparut dans sa belle fête. ‘Amon chef des dieux’. Il entraîna Sa Majesté du Roi bienfaisant et il multiplia les oracles me concernant à la face de la terre entière. » En d’autres termes, les dieux ont présidé à l’intronisation de la princesse Hatchepsout. Pour de nombreux auteurs à l’instar de Christine Desroches Noblecourt, ce stratagème fut simplement mis au point par le roi lui-même assisté de ses complices, les prêtres de Amon, pour soutenir l’ascension au pouvoir de la princesse Hatchepsout.
En réalité, les seuls fils du roi sont nés d’une épouse secondaire, Moutnofret Ière. Ils avaient peut-être moins de droit à la couronne. En outre, Ahmès, la mère de la princesse Hatchepsout, était désignée comme « la souveraine des autres épouses ». Par ailleurs, parmi les trois garçons du roi nés hors ménage, en dehors de Amenmès qui, à quinze ans, est général, les deux autres garçons étaient de santé fragile, tant physique qu’intellectuelle.
Vers l’an VII du roi Thoutmôsis Ier, Hatshepsout épousera son demi-frère, le quatrième pharaon de la XVIIIe dynastie égyptienne, Thoutmôsis II, lui-même fils de Thoutmôsis Ier et d’une épouse secondaire, Moutnofret Ière. Consentie ou imposée à la demande de Moutnofret Ière, le but de cette union était surtout d’assurer dans le futur la légitimité de Thoutmôsis II à monter sur le trône après le décès de leur père. Il s’agissait également de faire de la princesse Hatchepsout la future Grande épouse royale. Une petite fille, Néférourê, naquit de cette union vers l’an X ou XI du règne de Thoutmôsis. Comme sa mère Hatchepsout, l’enfant sera confiée au soin du précepteur Ahmès Pen-Nekhbet.
De Grande épouse royale à Régente
Thoutmôsis II a probablement été corégent de son père et il est possible que ce dernier l’ait fait couronner avant sa disparition qui survient après douze ans et neuf mois de règne. Aux côtés de son époux, Hatchepsout était Grande épouse royale. Sur les rares monuments réellement contemporains de Thoutmôsis II, elle y était nommée « dame de la terre entière, maîtresse du double pays ». Elle sera au-devant des cérémonies religieuses en tant qu’« Épouse du dieu Amon, le roi des dieux et le patron des pharaons ». Sur les documents de cette époque, on pouvait la voir se montrant l’égale du roi et imposant sa fille aînée Néférourê comme héritière.
En l’an III du règne de son époux, Hatchepsout met au monde une deuxième petite fille, Mérytrê-Hatchepsout. Un malheur interviendra et changera cependant le cours des choses : Thoutmôsis II, après un règne qui ne dépassera pas trois ans, disparaît jeune en raison de sa santé fragile. Thoutmôsis III, issu de l’union entre le roi défunt et une autre concubine Iset, succédera à son père à l’âge de cinq ans. Il fut couronné roi de Haute et Basse-Égypte. Hatchepsout accueillit favorablement le couronnement de ce jeune enfant. En tant que Grande épouse royale de l’ancien roi, elle devient ainsi régente du royaume.
Le règne de la princesse débute ainsi vers 1478 av. J-C. Elle règnera conjointement avec le fils de son époux. On retient de son règne, une prouesse sur plusieurs plans. Elle fut une bâtisseuse, initia un renouveau économique et s’illustrera sur le plan militaire.
Sur un plan architectural, on relève à son actif de nombreux monuments érigés de la Nubie à Beni Hasan. Les immenses obélisques qu’elle fit ériger à Thèbes en font également partie. Elle fit également construire des routes en l’honneur d’Amon. Les statues la représentant, la décrivent comme un homme, vêtu de la tenue complète des pharaons comprenant notamment la barbe traditionnelle, le pagne en chendjit et le némès, trois éléments symbolisant le pouvoir. Cependant, sa plus belle réalisation demeure son temple mortuaire.
D’un point de vue économique, c’est au cours du règne d’Hatchepsout que les routes commerciales perturbées pendant l’occupation de l’Égypte par les Hyksôs durant la Deuxième Période intermédiaire seront rétablies, ce qui entraînera une véritable croissance de la richesse de la XVIIIe dynastie. En l’an IX, elle supervisera et financera une expédition au pays de Pount, non loin du territoire de l’actuel Somalie. Composée de cinq bateaux, chacun équipés de plusieurs voiles actionnés par des rameurs, les Égyptiens ramèneront de leur voyage des ivoires, des bois d’ébène, des épices et autres produits exotiques ainsi que trente et un arbres de myrrhe dont les racines auraient été soigneusement empaquetées dans des paniers pour la durée du voyage. Ce fut la première tentative de transplantation d’arbres de l’histoire. Certains de ces arbres seront plantés dans les cours du complexe du temple funéraire d’Hatchepsout. Au cours de son règne, l’Égypte bénéficiera de relations économiques prospères. Cette prouesse s’étendra même après son règne.
Sur un plan militaire, bien que la politique étrangère d’Hatchepsout soit essentiellement pacifique, elle lancera une brève campagne militaire contre la Nubie qu’elle gagnera et où elle destitua le vice-Roi Séni pour le remplacer par Inebni. Il est également possible qu’elle ait lancé une campagne militaire contre la Palestine.
Agée d’une cinquantaine d’années, Hatchepsout meurt dans la vingt-deuxième année de son règne. Aucune indication n’indique la cause de son décès en 1458 avant J-C. Hatchepsout fut enterrée dans la Vallée des rois.
Effacée puis restaurée à la mémoire collective
L’histoire la décrit comme la « première grande femme dont l’histoire ait gardé le nom », notamment à travers les écrits de l’égyptologue James Henry Breasted. Cette femme énergique fait partie des premières femmes pharaons de l’Égypte antique qui sut se maintenir au pouvoir pendant une vingtaine d’années grâce à l’appui de dignitaires compétents et dévoués.
Malgré le fait que les œuvres de la Reine seront détruites 20 ans plus tard à travers une campagne de grande envergure menée par Thoutmôsis III, entre 1923 et 1931, la découverte du Metropolitan Museum of Art au cours de son expédition en Égypte, mettra à jour des fragments des statues d’Hatchepsout dans des fosses creusées en face du temple. Pour certains analystes, Thoutmôsis III agira de la sorte soit par simple vengeance, soit pour assurer l’ascension de son propre fils au pouvoir, soit également parce qu’il n’aurait pas accepté que la succession des pharaons Thoutmôsis ait été interrompue par une femme.
Longtemps tombée dans l’oubli, ce n’est qu’au début du XIXe siècle, lorsque des universitaires parvinrent à déchiffrer les hiéroglyphes inscrits sur son temple que l’histoire d’Hatchepsout put être reconstituée. Aujourd’hui dans l’Égypte toute entière, ses réalisations architecturales perpétuent sa mémoire. Sur la base de ses nombreux succès, tout le mérite d’Hatchepsout fut d’avoir été l’un des plus grands pharaons de l’histoire.
Maggy Lynn