Conférence de presse conjointe entre Abdoulaye Diop et Sergueï Lavrov ce mardi : le ministre russe des Affaires étrangères dénonce des « instincts coloniaux » et « l’appréciation raciste » des occidentaux. Son homologue lui, salue une « coopération gagnant-gagnant et assumée ».
Arrivé dans la nuit de lundi à mardi, accompagné d’une forte délégation dans le cadre d’une visite historique au Mali pour un ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov a donné une conférence de presse conjointe avec son homologue malien ce 7 février.
Dans ses propos liminaires, Sergueï Lavrov a dénoncé le « deux poids, deux mesures » de l’Occident ainsi que son « approche néocoloniale » dans ses rapports avec le continent africain. Sur le plan de la coopération militaire avec le Mali, principal dossier discuté avec ses hôtes, il a rappelé les livraisons d’armements, dont des aéronefs, au Mali ces derniers mois et les programmes de formation de ses soldats. Au cours des échanges de ce mardi, de nouveaux accords ont été conclus pour poursuivre cette dynamique sécuritaire, annonce l’officiel russe, tout en taisant certaines informations placées sous le sceau du secret et dont la publication relève de la discrétion des chefs d’État malien et russe.
Une « coopération gagnant-gagnant et assumée »
Abdoulaye Diop salue une « coopération militaro-technique sur la base des demandes du Mali (et) des plans stratégiques du Mali ». Rappelant que le pays dispose d’hommes mais « manque de capacités opérationnelles », notamment en matière aérienne, le ministre malien des Affaires étrangères loue une « coopération gagnant-gagnant et assumée », reposant sur la « promptitude de la réponse russe aux demandes maliennes » et sur l’effort du budget national malien.
Toutefois, Bamako ne s’enferme pas dans une relation exclusive avec la Russie mais souhaite, à travers ce partenariat renouvelé, donner le ton de ses nouveaux rapports avec ses partenaires, désormais guidés par le « respect de la souveraineté », des « choix stratégiques » et la « sincérité », et non pas en montant « une partie des maliens contre l’autre » : « Nous tendons la main aussi à tous les partenaires qui sont prêts avec sincérité à répondre à nos demandes », a-t-il affirmé. Sur le dossier épineux des relations avec Paris, Abdoulaye Diop a fait montre de franc-parler : « Avec la France, nous en avons tiré les conclusions, cette coopération ne répondait pas aux attentes des malien », surtout en matière « d’autonomisation de l’armée », a-t-il déploré.
Outre les questions de sécurité et de Défense, le renforcement de la coopération universitaire avec l’augmentation du nombre de bourses octroyées par la Fédération de Russie aux étudiants maliens (de 35 à 290), mais aussi économique et commerciale, notamment « dans le domaine de l’énergie, du renforcement des capacités » passant par l’inclusion des secteurs privés des deux parties, étaient également au menu des échanges. Ces derniers ont, entre autres, permis de préparer le sommet Russie-Afrique prochain, prévu se tenir à Sotchi en juillet de cette année.
Les Droits de l’Homme, la « dernière trouvaille » pour déstabiliser le Mali
Dans le contexte des accusations de violation des Droits de l’Homme portées contre le Mali et l’enquête réclamée par la MINUSMA dont le Directeur de la Division des Droits de l’Homme a été expulsé lundi, Abdoulaye Diop considère que la « protection des Droits de l’Homme relève de la responsabilité des autorités maliennes et de la justice malienne. » Il estime également que les groupes qui réclament des enquêtes indépendantes sont les instruments de puissances qui « cherchent, à travers les Droits de l’Homme, soit à déstabiliser un régime, soit à renverser un régime » alors qu’elles couvrent de graves exactions ailleurs, en référence au Tchad dont le président de Transition, Mahamat Déby a été reçu par Emmanuel Macron lundi 6 février. Ainsi, cette référence aux Droits de l’Homme serait la « dernière trouvaille » qui obéit à un « deux poids deux mesures ». « Cette instrumentalisation et politisation des Droits de l’Homme doit cesser », a déclaré le ministre malien.
S’exprimant sur les tensions diplomatiques entre le Mali et les chancelleries occidentales, Sergueï Lavrov a, pour sa part, dénoncé des « instincts néocoloniaux qui ne sont pas encore morts et empêchent les occidentaux de comprendre les réalités du monde ». L’officiel russe faisait alors référence au représentant de l’Union européenne pour les Affaires étrangères, Josep Borell, qu’il accuse de déployer une « appréciation raciste du monde ». Le ministre russe des Affaires étrangères a en effet rappelé les déclarations polémiques de Josep Borell qui qualifiait l’Europe de jardin florissant entouré d’une jungle qui menace sa quiétude et dont l’Europe doit se protéger. En outre, Sergueï Lavrov n’a pas manqué de dénoncer la manipulation de l’ONU par les occidentaux qui, appuie-t-il, « essaient de privatiser ses structures ».
Teria News