Hollywood, un outil de propagande du Pentagone. En échange de certaines faveurs, l’industrie du cinéma américain soumet massivement ses scénarios au contrôle du Pentagone pour validation. Objectif : emporter l’adhésion du public pour le vote de budgets de défense pharaoniques (858 milliards de dollars pour 2023) et nourrir le complexe militaro-industriel.
Redoutable instrument de propagande, notamment pendant la Guerre froide, Hollywood, en contradiction avec son image de pole de divertissement progressiste et transgressif, n’a pas perdu cette part de vocation après la chute du mur de Berlin en 1989 ou celle de l’URSS deux ans plus tard. Bien au contraire, l’industrie du cinéma américain continue à propager des messages plus ou moins subtils contribuant à nourrir une perception positive de l’armée américaine et à propager des valeurs patriotiques.
Le U.S Department of Defense’s Entertainment Media Office (DOD) ou Bureau des médias de divertissement du département américain de la Défense a supervisé la production cinématographique depuis 1949. Les films à succès « Capitaine Marvel », « Transformers » ou « Zero Dark Thirty », qui retrace la traque du cerveau des attentats du 11 septembre 2001 Oussama Ben Laden, sont parmi les films dont l’équipe de production a conclu un accord avec le DOD.
Un deal « gagnant-gagnant »
Si les cinéastes souhaitent avoir accès aux équipements et au personnel militaires pour un montant « raisonnable », ils doivent en contrepartie soumettre leurs scénarios au DOD pour approbation. Le service de l’armée américaine est alors libre de modifier le scénario à sa convenance. Les producteurs du premier film de la franchise « Top Gun » se sont ainsi acquittés d’1.8 millions de dollars au Pentagone pour pouvoir utiliser ses équipements. Une aubaine si l’on considère qu’il ne faut pas moins d’un million de dollars par heure pour faire fonctionner certains porte-avions.
Selon George Stahl, professeur à l’Université de Géorgie, le contrôle du Pentagone sur Hollywood peut être considéré comme une forme de propagande et contribue à nourrir le complexe militaro industriel où les efforts systémiques sont déployés pour influencer la perception que l’opinion publique américaine a de son armée.
« Environ 2 500 shows télévisés et films ont été l’objet d’un contrôle direct de leur scénario. Ils se sont engagés dans une relation contractuelle avec le DOD et la CIA. Et si vous comptez les épisodes d’une série donnée, nous en sommes alors à 8 000 ou 10 000 productions au total. »
Influencer la perception de choix de Défense et de Politique étrangère
Le DOD peut avoir des règles strictes concernant le type de narratif validé pour les yeux du public. Les films et autres productions doivent rendre une image positive de l’armée. « L’armée est engagée à censurer toute sorte de représentation de racisme institutionnel, dans les troupes, parmi les officiers et tout ce qui laisserait à voir l’armée comme un lieu ne respectant pas une égalité absolue. Les études récentes qui montrent des incidents de suprémacisme blanc et la reconnaissance d’actes et de cas de nationalisme blanc dans l’armée ont considérablement augmenté dans les deux ou trois années précédentes. Donc, c’est une problématique continue pour l’armée. »
Le DOD peut également rejeter des scénarios de films qui représentent l’armée perdant des guerres, commettant des crimes de guerre, assassinats, torture, coups d’État fomentés par Washington ou autres. Autant Hollywood que l’armée bénéficient de ce pacte. L’un en ayant accès à des équipements et des consultations de défense bon marché, car subventionnés par le contribuable américain et l’armée elle, grâce à l’opération de relations publiques « gratuite » qui soutient ses campagnes de recrutement, le décaissement de sommes considérables allouées au budget de la Défense (858 milliards de dollars pour 2023, soit 45 milliards de dollars au-dessus du montant proposé par le président Joe Biden) et le vote de textes favorables.
« L’armée veut placer le contribuable américain dans une position où il n’opposera aucune résistance lorsque le moment sera venu pour le président américain de lancer la prochaine intervention militaire à l’étranger. Donc, ils veulent le moins de controverse possible. Et si vous avez une industrie de divertissement ou toute activité dans le domaine du divertissement libre de toute forme de critique de ce que nous avons fait à l’étranger, c’est plus facile d’utiliser l’armée. »
Depuis 1991, l’armée américaine a lancé au moins 251 interventions à l’étranger, ce qui inclut des opérations allant d’un soutien aux politiques de santé publique à l’invasion de territoires souverains. Dans « Théâtres de guerre », son documentaire sur le sujet, Roger Stahl aborde l’étendue du contrôle du DOD et son impact. « Au cours des cinq ou six années passées, nous avons mis les mains sur environ 50 000 pages de documents internes. Il s’agit de requêtes de changement de scénario, d’échanges de courriers entre le DOD et les producteurs. Donc l’étendue et l’échelle de cette opération est une surprise pour pratiquement tout le monde, même ceux qui étudient le sujet de près », affirme-t-il.
Teria News