Le saviez-vous ? Héritage culturel ancestral, les tresses et nattes africaines ont été utilisées par les Noirs emmenés de force dans les Amériques pour tracer et indiquer les routes vers la liberté. Découvrez l’histoire de ce langage secret, devenu outil de résistance.
Les premières nattes africaines ont été répertoriées en l’an 3000 avant J-C en Afrique sub-saharienne sur une figure féminine peinte dans une grotte préhistorique. Aujourd’hui portée avec une relative simplicité par les femmes Noires sur le continent africain et au sein de sa diaspora, elles ont longtemps formé des couronnes capillaires particulièrement sophistiquées. En Afrique, leurs formes et volumes, outre leur fonction esthétique, servaient également de marqueurs sociaux, permettant d’identifier certains déterminants identitaires comme l’ethnie, l’âge, la position sociale, l’activité professionnelle ou encore le statut matrimonial.
Le tracé capillaire des routes de la liberté
Au XVIe siècle, les marchands d’esclave rasaient systématiquement les cheveux des femmes et hommes arrachés à leur terre pour rejoindre des plantations en Amérique du Nord, Amérique latine et dans les Caraïbes. Pendant la traite transatlantique, plus de 12 millions d’Africains ont ainsi atteint l’autre rive de l’océan pour être réduits en esclavage par des maîtres qui souvent, les forçaient également à raser régulièrement leurs cheveux, sous prétexte de les rendre plus « sains ». Plus qu’une violence physique, il s’agissait d’arracher aux Noirs leur identité culturelle, pis, leur humanité. Mais ce ne fut pas le cas partout. Démontrant leur ingénieuse capacité à s’adapter, beaucoup nattaient leurs cheveux afin de réduire le volume naturel de leurs cheveux crépus et d’apparaitre plus « hygiénique » aux yeux des maîtres.
Les nattes sont rapidement devenues un moyen de communication efficace entre les Noirs qui en firent de véritables cartes servant à fuir les plantations. Ainsi, les tracés adoptés formaient un langage codé cachant des itinéraires de fuite. Les nattes servaient également à dissimuler des semences destinées à être plantées dans une nouvelle terre une fois la liberté recouvrée, du matériel ou encore des métaux.
Dans les années 1960 et 1970, les nattes sont revenues sur le devant de la scène dans la culture populaire, fièrement arborées par des artistes telles que Cicely Tyson ou Nina Simone, entre autres.
Les coiffures afro et la guerre du « beau »
Les tresses longues furent également utilisées pendant l’esclavage aux mêmes fins, avant d’être remises au goût du jour dans les années 1980 et portées depuis par les plus grandes stars de R&B, rap ou pop Afro-américaines. Assez similaires à celles arborées par les femmes de la vallée du Nil, les tresses sont documentées avoir été utilisées pour la première fois en 3500 avant J-C en Afrique du Sud. Là aussi, elles révélaient des éléments clés de l’identité des femmes qui s’en ornaient : leur envie de se marier, niveau d’aisance et place ou rôle dans la spiritualité locale.
Aujourd’hui, nattes et tresses sont parfois considérées comme non professionnelles par les employeurs ou frivoles par les enseignants qui vont jusqu’à renvoyer à la maison les enfants qui en portent. Le cheveu crépu subit la même discrimination. Pour certains, le porter c’est ne pas être véritablement coiffé. Selon une étude financée en 2019 par la marque « Dove », aux États-Unis les femmes Noires sont 30% fois plus susceptibles d’être renvoyées de leurs lieux de travail à cause de leurs coiffures. Les discriminations contre les coiffures afro ont mené à l’adoption du Crown Act. Signé en 2019, il interdit la discrimination contre les textures et coiffures afro dans des écoles et bureaux. À ce jour, 18 États ont adopté le Crown Act ou s’en sont inspirés.
L’histoire des coiffures afro rappelle que l’apanage du puissant n’est pas seulement sa capacité à soumettre par la force, mais aussi celle de conquérir les esprits par la propagation subtile de valeurs et représentations (soft power). En d’autres termes, propager un narratif qui impose une version du « vrai » et en l’espèce du « beau ». Ensuite, un processus psychosociologique d’intériorisation de la violence symbolique (non physique) crée un rejet de soi-même, résultant en des formes multiples et complexes d’aliénation.
Teria News