« Nos Volontaires pour la Défense de la Patrie […] sont le Wagner du Burkina Faso », affirme la ministre burkinabè des Affaires étrangères. Olivia Rouamba récuse ainsi la thèse d’un « grand remplacement impérialiste », agitée par le bloc occidental. Précisions.
Suite à la dénonciation, par les autorités burkinabè de Transition, de l’accord juridique encadrant la présence des quelques 400 soldats français opérant depuis la base de Kamboinsin (en périphérie nord de Ouagadougou) dans le cadre de l’opération Sabre, les spéculations sur l’éventualité d’un partenariat entre le Burkina Faso et la société paramilitaire russe Wagner s’amplifient. Crainte du bloc occidental mais espoir d’une frange importante de l’opinion publique burkinabè et sahélienne, la réplique du scénario malien est dans tous les esprits.
Une main de fer dans un gant de velours ?
Malgré une affinité idéologique indéniable entre le capitaine Ibrahim Traoré et son homologue, le colonel Assimi Goïta, le cas burkinabè diffère, à quelques égards, de l’exemple malien. En effet, alors que le gouvernement malien, en particulier son Premier ministre, Choguel Maïga avait, à de nombreuses reprises et ouvertement, indexé la stratégie de l’état-major français et questionné ses intentions inavouées, allant même jusqu’à parler de recolonisation du Mali, l’exécutif issu du coup d’État du 30 septembre 2022 fait lui, preuve de davantage de retenue vis-à-vis du partenaire français. Ainsi, hormis les déclarations d’Apollinaire Joachim Kyélem de Tambèla qui, au cours de sa déclaration de politique générale avait évoqué des « prétendus partenaires », « pas toujours loyaux » qu’il accusait de complicité avec les groupes terroristes et le câble diplomatique, toutefois discret, demandant le remplacement de l’ambassadeur de France Luc Hallade, Ouagadougou a jusqu’ici préfèré une approche moins confrontationnelle. Peu de joutes verbales donc, mais des actes et un souverainisme tout aussi musclé que le grand frère malien. La différence est dans la manière.
Pas de rupture nette avec la France, mais une mise à l’écart assumée. Ainsi, après les « clarifications » demandées à Ibrahim Traoré par Emmanuel Macron, le Burkina Faso a, par la voix du porte-parole du gouvernement, confirmé la demande de retrait des troupes françaises dans un délai d’un mois. « À ce niveau, il n’y a pas d’autre commentaire à faire. Tout ce que je peux vous dire, c’est qu’au stade actuel, nous ne voyons pas comment faire plus clair que cela », a affirmé Rimtalba Jean-Emmanuel Ouédraogo sur la RTB.
L’option Wagner une nouvelle fois écartée
« Nous avons foi à la solution endogène pour contrer l’insécurité. Nos Forces de Défense et de Sécurité (FDS), nos Volontaires pour la Défense de la Patrie [auxiliaires de l’armée, ndlr] que nous avons recrutés sont le Wagner du Burkina Faso »
Olivia Rouamba, ministre burkinabè des Affaires étrangères à l’envoyé spécial de la République tchèque pour le Sahel, lundi 23 janvier
« La vision de la Transition aujourd’hui, c’est que ce sont les Burkinabè eux-mêmes qui vont consentir le sacrifice pour la libération et la reconquête du territoire, et surtout aussi pour sa refondation. », déclarait également le porte-parole du gouvernement à la télévision nationale. « Les nouvelles autorités sont convaincues que les Burkinabè ensemble, dans un sursaut patriotique derrière les Forces de Défense et de Sécurité (FDS) et les Volontaires pour la Défense de la Patrie (VDP) vont gagner la guerre […] Nous avons fois et nous avons la conviction que l’engagement actuel des Burkinabè va être décisif dans la victoire sur les forces du mal. Nous comptons sur notre propre ressource humaine pour pouvoir gagner cette guerre. », a-t-il ajouté.
Honorable et panafricaine, la stratégie toute « endogène » de Ouagadougou laisse toutefois plusieurs Burkinabè et amis du Burkina Faso dubitatifs. Au vu des ressorts environnementaux, socioéconomiques et institutionnels du terrorisme, de sa nature aussi diffuse qu’hybride, miser sur une riposte militaire conventionnelle dépourvue d’outils sophistiqués de renseignement, pourtant essentiels à la traque des groupes terroristes, semble insuffisant. À moins que soit dévoilé ou conclu, dans les jours prochains et avec un autre partenaire que la France, un nouvel accord qui comblerait cet impératif.
Teria News