Marine Le Pen au Sénégal pour une visite de trois jours. Un an après son échec au second tour face à Emmanuel Macron, Marine Le Pen anticipe déjà le coup suivant. Pour la cheffe du groupe Rassemblement national à l’Assemblée nationale française, la présidentielle de 2027 se prépare en Afrique. Précisions.
Lundi, c’est dans la discrétion que Marine Le Pen s’est envolée pour le Sénégal. Au programme, « plusieurs échanges avec des acteurs de la société civile et des responsables politiques sénégalais », avec peut-être en prime, une rencontre avec Macky Sall, chef de l’État et président en exercice de l’Union africaine dont le mandat arrive à expiration dans quelques semaines. L’entreprise de dédiabolisation se poursuit, mais pas seulement.
Bons amis, mais chacun chez soi !
« Un représentant de l’Afrique doit siéger comme membre permanent du Conseil de sécurité » (…) Pour améliorer la stabilité du monde, il faut cesser de dénier à l’Afrique la place légitime qui doit lui revenir dans l’organisation de la communauté internationale ».
Marine Le Pen, l’Opinion
En prélude à son séjour au Sénégal, la patronne des députés RN a, dans une tribune publiée dans l’Opinion, livré sa vision des relations Nord-Sud fondées sur la défense de l’identité nationale de chaque pays, des particularismes et valeurs locaux, ainsi que du droit de chaque peuple à la prospérité. En somme, c’est le « chacun chez soi » que vient défendre Marine Le Pen, seule façon, selon sa représentation des relations avec le continent noir, de garantir de bons rapports entre les peuples. Ce faisant, la cheffe du groupe Rassemblement national à l’Assemblée nationale française se pose en flambeau du souverainisme, non seulement français, mais de tous les peuples. Consciente qu’en maintenant les piliers de la Françafrique, soit les mécanismes de domination politiques, militaires et économiques du continent, dont le franc CFA, la France entrave l’épanouissement socioéconomique et identitaire de l’Afrique dite francophone et crée de facto les conditions de l’expatriation, l’exil et de l’immigration clandestine dont une frange croissante de son corps électoral ne veut plus.
En d’autres termes, Marine Le Pen veut, en plus de séduire l’électorat issu de la diaspora, faire des États africains et leur classe politique, des alliés dans la lutte contre les flux migratoires légaux comme illégaux. Du donnant-donnant dont les termes sont : garder la jeunesse dans leurs pays contre une majoration de l’aide au développement, des investissements directs et plus d’influence et de représentativité de l’Afrique au G20, au Conseil de sécurité de l’ONU ou à l’OMC.
Mais, sous couvert de faire avancer le dialogue sur le développement du continent africain et sur sa représentation dans les organes décisionnels des fora internationaux, la figure de proue de l’extrême droite hexagonale promeut subtilement sa vision d’une France blanche, chrétienne et protégée de la perspective fantasmagorique du « grand remplacement ».
Mission quasi impossible
Prévue de longue date, la temporalité de la visite de Marine Le Pen semble toutefois maladroite. Précoce sur le calendrier de la prochaine présidentielle (2027), elle intervient à contretemps de l’agenda social français. D’une part, en atterrissant au Sénégal alors que le gouvernement d’Elisabeth Borne vient d’ouvrir la boite de Pandore de la réforme des retraites, la cheffe du groupe Rassemblement national à l’Assemblée nationale française quitte le champ de bataille social au moment où opposition et syndicats préparent une guerre de tranchées contre l’augmentation de l’âge légal de départ à la retraite. En décalage avec les priorités des Français sur le temps court, difficile de croire que la visite de Marine Le Pen ait un quelconque écho sur un climat social polarisé par des débats sociaux. D’autre part, en avance sur le calendrier électoral, l’impact de sa visite pourrait être très limité à moyen terme.
En outre, dans un contexte d’hostilité populaire envers la présence française en Afrique et de tous ses symboles, prétendre défendre les intérêts de la jeunesse du continent tout en représentant la France xénophobe, relève de la mission impossible.
Teria News