« Pour le président Patrice Talon, l’enjeu de ces élections était crucial. Si celles de 2019 lui ont permis de dérouler son programme, du scrutin du 8 janvier dépendait la consolidation et la pérennisation de son héritage politique. Sa majorité sauve, doit-elle pour autant être interprétée comme une adhésion aux réformes » ?
Il se murmurait que le parti d’Eric Houndété, pardon, le parti de Thomas Boni Yayi avait mis la mouvance K.O. « La majorité parlementaire de Patrice Talon est enterrée ! », foi de zemidjan. À Cotonou, les conducteurs de taxi moto, animateurs vedettes de radio kpakpato et baromètres par excellence de la rumeur, avaient déjà ouvert une ère de cohabitation entre le chef de l’État et l’opposition.
Mais voilà, la proclamation, jeudi, par la Cour constitutionnelle des résultats définitifs des élections législatives du 8 janvier est venue mettre un terme à la guerre des chiffres qui faisait rage dans la rue et sur les réseaux sociaux. Partisans et cadres des Démocrates ont en effet, dès le lendemain de la fermeture des urnes, inondé les groupes et pages Facebook comme WhatsApp, de messages, appuyés par des chiffres recueillis par leurs observateurs, annonçant la victoire écrasante du parti de la flamme de l’espoir. Même son de cloche outre Atlantique et du côté de l’Hexagone de la part des exilés politiques, mais aussi plus près de nous, en l’espèce de l’autre côté des barreaux.
Retour mécontent de l’opposition au Parlement
Les résultats officiels confirment la razzia des Démocrates, annoncée par la CENA, à Cotonou, capitale économique du Bénin où la mouvance, à défaut de pouvoir sauver les meubles, n’a pu que maintenir la toiture. Mais c’est bien l’Union Progressiste le Renouveau qui, avec 53 députés sur 109 contre 28 pour le Bloc Républicain, à égalité avec Les Démocrates, permet à la mouvance présidentielle de garder sa majorité.
Décisif, l’impact de l’engagement de Thomas Boni Yayi s’est surtout fait sentir dans le septentrion où l’aura de l’ancien président a fait tomber plusieurs têtes au profit des Démocrates. Trublion de la mouvance, Rachidi Gbadamassi a fait les frais de la popularité de Yayi à Parakou. Par ailleurs, sur 9 ministres en lice, seuls 5 ont vu leur candidature validée par les suffrages populaires.
Peut-on parler de vote sanction, en particulier concernant le BR ? L’analyse de Bertin Koovi permet d’éclairer les résultats du parti au cheval cabré. Parachutage de candidats au détriment du leadership naturel de cadres à la base, communication manquée sur le prix plancher du soja alors que nombre de circonscriptions visées par le BR dépendent de la culture de cette céréale et problèmes de leadership à la tête du parti, dans un de ses bons jours, Bertin Koovi a énuméré les démons de sa formation politique pour mieux les exorciser.
Toutefois, malgré une percée indéniable, Les Démocrates contestent les résultats officiels. Le président du parti, Eric Houndété qui, le 10 janvier présentait sa formation comme la première force politique du pays a, d’ores et déjà déposé des recours devant la Cour constitutionnelle portant sur plusieurs circonscriptions électorales. « Nous ne sommes pas encore satisfaits des résultats proclamés et nous avons des recours dans un certain nombre de circonscriptions, notamment la 9e, 10e et dans d’autres encore », a déclaré Jean-Claude Kouagou sur les ondes de la radio nationale.
La démocratie béninoise prend une respiration
Pour le président Patrice Talon, l’enjeu de ces élections était crucial. Si celles de 2019 lui ont permis de dérouler son programme, du scrutin du 8 janvier dépendait la consolidation et la pérennisation de son héritage politique. Sa majorité sauve, doit-elle pour autant être interprétée comme une adhésion aux réformes ? À cet égard, les 37,79% de participation, en particulier pour les premières législatives inclusives de sa gouvernance, appellent à un regard plus mesuré.
Ici, difficile de se débarrasser d’une impression de décalage entre une élite affranchie des problématiques de survie et une base dont le porte-monnaie, déjà creusé par l’inflation est, en ce début d’année, achevé par la « janviose ». En effet, bien que nécessaires, les débats sur la santé de la démocratie béninoise, les réformes engagées pour favoriser la bonne gouvernance, l’amélioration du climat des affaires et la robustesse des institutions, s’éclipsent devant des impératifs plus prosaïques. Reste que 5 ans après le choc de 2019, le pays a, résolument pris une respiration démocratique.
Teria News