« Quand c’est l’Afrique, vous êtes moins atteint ? » Dans le cadre de la promotion de son film Tirailleurs, Omar Sy appelle les Français à une compassion égale face aux tragédies de la guerre peu importe la proximité géographique du pays concerné. Depuis, l’acteur est attaqué par des franges réactionnaires de la classe politique française. Lumière sur une polémique inutile.
Enfin, l’aboutissement d’un long projet. Il aura fallu à Omar Sy et Mathieu Vadepied, réalisateur du long métrage, 10 ans pour accoucher de Tirailleurs. Le film, prévu sortir en salles le 4 janvier, aborde un pan encore largement méconnu de la Première Guerre mondiale, surtout du côté septentrional de la méditerranée. Soit, la participation de ceux qu’on a appelé les « tirailleurs Sénégalais », nom générique désignant les 200.000 soldats d’Afrique subsaharienne enrôlés dans un conflit qui ne les concernait pas et pour lequel 30.000 ont été tués, d’après les chiffres officiels. « Ces récits-là vont sortir de sous le tapis (…) Il faut accepter le récit des autres. Un récit ne contredit pas l’autre, ne l’annule pas, ne le nie pas. C’est l’addition de tous ces récits qui fait notre histoire commune. », dit Omar Sy. Un film qui, selon les termes de l’acteur « apaise ». Pourtant, la décennie de gestation d’une œuvre importante pour la restauration et la réconciliation des mémoires qui composent la France menace d’être éclipsée par une polémique au fond aussi fantôme qu’inutile.
Un appel humaniste à l’universalité dans la compassion
Dans une interview accordée au Parisien dans le cadre de la promotion de Tirailleurs, Omar Sy part de l’engagement de ses ancêtres dans le conflit de 1914-1918 pour aborder la guerre en général. Il y dévoile alors sa sensibilité face aux atrocités, qu’elles se déroulent sur le continent européen, comme le conflit russo-ukrainien, ou en Afrique. Se présentant comme aussi concerné par le tragique de l’Histoire, quelle que soit la distance du théâtre d’atrocités avec son pays, la France, l’acteur interpelle ses compatriotes sur le ressenti, parfois asymétrique de la souffrance des peuples en fonction de leur aire géographique.
« Je suis surpris que les gens soient aussi atteints. Ça veut dire que quand c’est en Afrique vous êtes moins atteints ? (…) Moi, je me sens menacé de la même manière quand c’est en Iran, ou en Ukraine. Une guerre, c’est l’humanité qui sombre, même quand c’est à l’autre bout du monde. On se rappelle que l’Homme est capable d’envahir, d’attaquer des civils, des enfants. On a l’impression qu’il faut attendre l’Ukraine pour s’en rendre compte. Oh, les copains ? Je vois ça depuis que je suis petit. Quand c’est loin, on se dit que ‘là-bas, ce sont des sauvages, nous, on ne fait plus ça’. Comme le Covid, au début, on a dit ‘c’est que les Chinois’ »
Une polémique hors sujet
Quelques heures après la publication de l’article, la députée européenne Nathalie Loiseau fait mine de s’étrangler en évoquant les « 58 militaires français morts au Sahel en luttant contre les djihadistes ». À côté de la plaque, l’ancienne ministre des Affaires européennes se trompe de combat politique et de temporalité. Loin de la crise diplomatique entre certains États sahéliens et la France, laquelle s’inscrit dans le temps court à moyen, la réconciliation des mémoires de tous les Français entre dans le temps long. De plus, sous-peser les douleurs, comptabiliser les morts dans une logique comparative et confrontationnelle mènerait à une hiérarchisation utilitariste (qui nie la dimension sacrée d’une vie humaine) des dettes de sang. Absurde.
« Quand c’est l’Afrique, vous êtes moins atteint ? », interroge Omar Sy. Ce « vous » lancé par l’acteur, interpelle tout un chacun, comme l’affirme le Parisien qui, dans un papier publié après les polémiques suscitées par les propos d’Omar Sy, prend la défense de l’acteur. Ces dernières jettent davantage le doute sur les motivations des fauteurs de trouble que sur le comédien qui n’a fait que s’inscrire dans une logique humaniste.
Teria News