Héroïne du peuple indigène nord-africain des Imazighen, la reine Kahina unifia les différentes tribus Berbères contre l’envahisseur arabe. Cheffe de guerre, Kahina servit de modèle à d’autres combattants de la liberté. Découvrez cette figure historique et identitaire Berbère.
De son vrai nom Dihya, la princesse dénommée Kahina naquit au début du VIème siècle dans la tribu berbère zénète des Djerawa habitant l’Aurès, une région en partie montagneuse du nord-est du territoire actuel de l’Algérie. Elle fut ainsi dénommée par les écrivains de langue arabe du Moyen Âge. La plupart des écrits historiques ou littéraires la mentionnent également par ce prénom « Kahina » ou « Kahena » qui, en réalité, provient étymologiquement de l’expression « Al Kahina » ou « Al Kahena » signifiant « La prêtresse » en langues arabe et berbère.
Kahina est la fille de Tabet qui fut l’un des chefs de cette tribu. Elle est également la nièce du roi berbère Koseïla. Mort vers 688, il demeure un célèbre combattant de la liberté du peuple Imazighen, également connu sous le nom d’Amazigh, soit « le peuple libre », nom indigène des Berbères. La généalogie de Kahina fut remontée jusqu’à sept générations en arrière. Elle est en effet « fille de Tabet, fils de Nîcan, fils de Baoura, fils de Mes-Kesri, fils d’Afred, fils d’Ousîla, fils de Guérao ». On reconnaît à sa famille d’avoir dirigé les Djeraoua pendant des siècles. Cependant, il convient de relever que ce lien tribal précis entre la Reine et les Djeraoua est uniquement relevé par l’auteur Ibn Khaldoun dans ses écrits, la plupart des textes, notamment les plus anciens, la qualifient plutôt simplement de femme berbère sans autre précision.
Intronisée dans un contexte de péril identitaire
Contrairement à une tradition qui présente la Reine Kahina comme juive, tradition reprise entre autres par Ibn Khaldoun et, plus tard, par de nombreux historiens coloniaux, les historiens actuels s’accordent pour reconnaître qu’elle était chrétienne. Dans un texte d’Al-Mâlikî, on peut lire : « Elle avait avec elle une énorme idole de bois qu’elle adorait. On la portait devant elle sur un chameau ». L’hypothèse d’une icône chrétienne fut alors énoncée. Une statuette de la Vierge fut également évoquée.
À la mort de son oncle Koceïla en 688, la princesse Kahina monta sur le trône. Elle était reine, guerrière et voyante. Quinze années après la mort du Prophète Mahomet, les armées arabes abordèrent l’Afrique du Nord. Kahina monta sur le trône dans ce contexte d’islamisation du Maghreb. Elle régna d’abord uniquement sur l’Aurès avant de devenir la reine des Berbères de l’Ifriqiya. L’Aurès fut la première région à se soulever contre l’occupation vers 484. L’Ifriqiya désigne une partie du territoire de l’Afrique du nord pendant la période du Moyen Âge occidental. Le terme Ifriqiya fait également référence à la province d’Afrique dans l’Antiquité tardive.
Fer de lance de la résistance berbère
La Reine Kahina fut également Cheffe militaire. Avant elle déjà, son oncle le roi Koceïla menait le même combat. La conquête musulmane du Maghreb mit Koceïla dans un conflit permanent avec le Chef arabe musulman Hasan Ibn Al Nu’Man, mort vers 710 et dont les armées continuaient à faire campagne au Maghreb. Il réussit à expulser les troupes adverses de l’Est de l’Algérie et de la Tunisie modernes. Kahina, une fois reine, reprit ce combat.
À la suite de son oncle, elle s’opposera à l’implantation de l’islam par les troupes d’Hassan. Pour faire face à l’envahisseur, elle réussit à organiser la résistance berbère, réaliser la difficile unité du Maghreb et infliger aux cavaliers arabes de cuisantes défaites. À l’instar de la lutte contre l’islamisation, elle conduisit de grandes batailles. On distingue entre autres, la campagne contre la puissante principauté Maure qu’elle mènera dans les années 530-540.
Enfin, grâce à Kahina, les Berbères ont réussi à arrêter les troupes arabes et à les renvoyer en Tripolitaine. Son nom de prophétesse lui aurait accordé des pouvoirs surnaturels de devineresse qui vont nourrir sa légende. Ces pouvoirs surnaturels lui auraient également permis de prédire l’avenir. Dernier monarque du royaume de l’Aurès, elle se maintient durant toute la conquête musulmane du Maghreb, vainquit Hasan plus d’une fois et réussit à le chasser de la région.
Après plusieurs succès contre les envahisseurs musulmans, elle finit par succomber en 703 où elle mena sa bataille finale. Les récits de sa disparition sont divers, mais tous s’accordent pour reconnaître qu’elle préféra se donner la mort plutôt que de se laisser à l’ennemi. Certains textes parlent d’une mort l’épée en main. D’autres évoquent un suicide, la reine ayant préféré avaler du poison plutôt que d’être capturée par l’ennemi. Toutefois, une version racontée par Ibn Khaldoun décrit Kahina capturée et décapitée, sa tête envoyée au Kalif Abd al-Malik.
Kahina, icône de la fierté berbère
L’histoire de Kahina donna lieu à plusieurs mythes. En effet, dès le Xe siècle notamment, l’histoire de Kahina se prêta à toutes les récupérations. Né entre 1272 et 1276, le pèlerin et voyageur At-Tijania avançait par exemple, une toute autre version de son ethnie berbère d’origine. Selon ce dernier, elle appartenait plutôt à la tribu berbère des Laguatans.
Bien qu’elle soit une héroïne du peuple indigène nord-africain des Imazighen, elle est surtout connue sous le titre que lui ont donné ses ennemis arabes : Al-Kahina. Par ailleurs, bien qu’elle ait été finalement vaincue, la résistance de Kahina servit ensuite de modèle à d’autres combattants de la liberté. Ainsi, dans les mouvements berbéristes, la célèbre-t-on comme une véritable icône de l’amazighité, l’autre nom des Berbères. Chez les Chaouis également, elle tient lieu de figure historique et identitaire.
Cependant, le plus grand mérite de cette reine Cheffe militaire, fut d’avoir réussi à unifier les différentes tribus de la berbérie contre l’envahisseur arabe. De ce fait, elle figure aujourd’hui parmi les rares femmes au parcours politique aussi exceptionnel. Enfin, en raison de la charge symbolique qui la décrit comme l’une des premières féministes de l’Histoire, beaucoup d’essayistes et romancières féministes feront aussi siennes sa figure.
En 2001, une statue de Kahina fut érigée dans le Parc de Bercy, à Paris, dans le cadre d’une exposition intitulée « Les Enfants du Monde » laquelle célébrait la diversité du monde et l’unité de l’expérience humaine. La statue fut conçue par l’artiste Rachid Khimoune pour représenter l’Algérie. L’Algérie où, une statue en son honneur sera également érigée en 2003 dans la ville de Baghai, située dans la province de Khenchela. À mesure que sa renommée s’accroit, Dihya Al-Kahina des Imazighens inspire non seulement son propre peuple, mais également ceux qui, partout, honorent sa mémoire et son sacrifice pour la cause de la liberté.
Maggy Lynn