Engagés dans un bras de fer avec les multinationales du chocolat, les producteurs de cacao envisagent délocaliser les bourses du cacao, actuellement à Londres et New York, en Afrique. Objectif : imposer leurs prix aux industriels et assurer un revenu décent aux producteurs qui ne s’élève aujourd’hui qu’à moins de 6% des revenus mondiaux de l’industrie.
L’objectif est de rendre leur dignité aux producteurs de cacao. Jusqu’ici peu d’avancées, alors qu’ils croisent le fer depuis des mois avec les multinationales du chocolat, lutte depuis appuyée par les puissances publiques, Côte d’Ivoire et Ghana en tête. Dernier acte de résistance en date : les producteurs ivoiriens et ghanéens, soutenus par leurs États, ont boycotté les assises du chocolat tenues les 26 et 27 octobre par la Fondation mondiale du cacao à Bruxelles.
Acculés par les industriels qui refusent de leur payer les fèves de cacao au prix juste en les maintenant en dessous du prix du marché en vigueur, prix du marché lui-même déjà réduit, et en utilisant des « tactiques de marché déloyales, telles que les mécanismes de différentiel d’origine négatif, pour appauvrir davantage les petits producteurs de cacao locaux en leur retirant les primes nationales tout en prétendant payer le différentiel de revenu décent (DRD) introduit il y a environ deux ans » (plateformes de producteurs ivoiriens et ghanéens), les producteurs s’organisent en faveur de la création d’une bourse africaine du cacao. Concrètement, paysans et agriculteurs ne perçoivent que 6 % du revenu total de l’industrie du chocolat, estimé à 130 milliards de dollars par an.
Une bourse africaine, gage de souveraineté sur le cacao ?
« Le conseil de l’ICCO a donné son accord de principe pour lancer une étude sur la mise en place d’une bourse du cacao en Afrique (…) Cette bourse se concentrerait sur les quatre gros producteurs africains que sont la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Nigeria et le Cameroun »
Michel Arrion, directeur général de l’ICCO (Organisation internationale du cacao)
Fédérés au sein de l’Organisation internationale du cacao, aux côtés les acheteurs, les producteurs de cacao ambitionnent de faire basculer le centre de gravité des cours du cacao de Londres et New York, où ils sont actuellement décidés, au continent africain. Lancée il y a un an, l’idée commence à se concrétiser.
Problème, rien ne pourra aboutir sans les multinationales du chocolat. En dépit des tensions, la solution ne peut donc pas contourner le dialogue avec le camp opposé. 5 millions de petits producteurs et une dizaine de multinationales, engagés dans un rapport de force déséquilibré, vont devoir se mettre d’accord. « Entre l’offre et la demande, et les fonds de pension qui interviennent dans un marché spéculatif, est-ce qu’on peut parler vraiment d’offre et de demande ? Il y a un problème de spéculation. Le marché est-il vraiment intéressé par le devenir des planteurs ? », réagit sceptique un exportateur ivoirien.
La relocalisation en Afrique des places boursières du cacao est donc loin d’être une solution miracle. Le projet devra également résoudre les questions liées au choix de la devise de référence utilisée pour libeller les contrats entre des pays aux monnaies différentes, l’accès à l’électricité et à internet pour les producteurs et la réduction des intermédiaires.
Teria News