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Les États-Unis tentent de reprendre la main en Afrique

Un sommet États-Unis/Afrique pour rattraper la perte de terrain accusée par Washington sur le continent africain au profit de Pékin et Moscou. Une tendance lourde que la Maison Blanche tente d’inverser via la promotion de valeurs communes et en s’adressant aux chefs d’État africains. La mauvaise stratégie pour la mauvaise cible. Précisions.  

L’influence de la Chine et de la Russie est « l’éléphant dans la pièce ». Mais pour l’administration Biden, il ne faut surtout pas faire tourner la rencontre autour de ces acteurs, désormais omniprésents sur le continent africain. Ce mardi s’ouvre à Washington un sommet États-Unis/Afrique, troisième du nom, après celui organisé en 2021 par Joe Biden et en 2008 par Barack Obama. 13 ans qui crient le désintérêt de la diplomatie américaine pour l’Afrique. C’est qu’entre-temps, il y eu la présidence Trump et les libertés sémantiques prises avec un continent où le chantre de « l’Amérique d’abord » s’est soigneusement gardé de mettre pied. Désintérêt non pas pour son potentiel minier, essentiel à la course technologique sans merci à laquelle se livre Washington, principalement dans son bras de fer avec Pékin, mais pour son rôle sur le grand échiquier mondial. Cependant, le réinvestissement économique et militaire de ses principaux rivaux géopolitiques (Chine, Russie) sur le continent et de challengeurs émergents comme la Turquie, contraint la puissance américaine à reconsidérer sa politique africaine.

Washington adopte la mauvaise stratégie…

« 55 milliards de dollars à l’Afrique sur trois ans » notamment alloués à la santé et à la riposte au changement climatique. Aussi vertigineux qu’il soit, le montant annoncé en amont de l’ouverture du sommet tombe à plat. Trop flou, trop grand. Tout comme les 300 milliards de dollars annoncés, avec l’Union européenne, en faveur du projet « Global Gateway » (« portail mondial ») destiné à contrer le projet chinois des « Routes de la soie », le chiffre assomme tout en laissant indifférent. Le paradoxe de ce qui, loin d’un programme soigneusement mûrit, s’apparente à un effet d’annonce destiné à flatter les 49 chefs d’État africain qui devraient, au complet, faire acte de présence à Washington ce mardi (hormis ceux du Mali, du Burkina Faso, de la Guinée, pays sous sanctions de l’Union africaine, du Soudan et de l’Erythrée).  

Outre éveiller l’intérêt des opinions publiques africaines, l’annonce de 55 milliards d’investissement vise à matérialiser celui des États-Unis pour l’Afrique au-delà de la promotion de valeurs communes et à nuancer l’image d’une convocation des dirigeants africains à une université d’hiver sur la démocratie. L’arrivée de Joe Biden à la Maison Blanche a vu la mise en avant de la démocratie comme étendard du soft-power américain. Face à la Chine et la Russie, qui lui seront difficiles à rattraper en termes d’investissements directs, Washington cherche à se démarquer par la promotion d’un référentiel commun. Mais en décidant de se différencier en investissant le terrain glissant des valeurs, l’administration Biden marche sur une ligne de crête. En effet, 60 ans de néocolonialisme et d’impérialisme rendent le continent africain rétif à l’imposition de tout cadre normatif.

Quand les autres sommets rivaux initiés par la Chine, la Russie ou la Turquie, en se centrant sur le renforcement des liens économiques avec l’Afrique se cantonnent principalement au hard power, les États-Unis préfèrent parler de valeurs. En somme, en plus d’être maladroite, la stratégie adoptée par la Maison Blanche est désuète. L’administration Biden fait ainsi la démonstration d’un logiciel obsolète.

… Pour la mauvaise cible

Pour cette opération de charme, Washington s’adresse aux dirigeants du continent et à l’Union africaine (UA), coquille vide à la gouvernance fantôme. Ici encore, la démarche interroge. La diffusion de valeurs communes en termes de gouvernance politique ou écologique passe en effet plus par le bas, c’est-à-dire par la société civile que par le haut, à savoir les palais et leurs locataires, plus ou moins élus, qui ne sont, après tout, que les émanations et objectivations du déficit institutionnel dont souffre le continent.

Concrètement, la Maison Blanche s’engage à intégrer l’UA au club des 20 pays les plus industrialisés (G20) ainsi qu’à mettre son influence au service la réforme du Conseil de sécurité de l’ONU, jusqu’ici un serpent de mer, pourtant nécessaire à refléter plus justement le monde d’aujourd’hui, en promettant à l’Afrique un siège de membre permanent.

En attendant la tenue, encore incertaine, de ses promesses, que gagne au final l’Afrique dans cette débauche de kérosène ? L’opportunité, si saisie par ses dirigeants, de faire monter les enchères en faveur de ses intérêts.

Teria News  

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