Alors qu’ils représentent à eux seuls 65% de la production mondiale de cacao, les producteurs ivoiriens et ghanéens gagnent moins de 6 % du revenu total de l’industrie du chocolat, estimé à 130 milliards de dollars par an. Un hold-up industriel qui justifie le boycott des assises du chocolat organisées par la Fondation mondiale du cacao.
Les autorités ivoiriennes et ghanéennes ont décidé de boycotter les assises du chocolat tenus les 26 et 27 octobre par la Fondation mondiale du cacao à Bruxelles. Une décision publique « audacieuse » saluée par les producteurs des deux pays par le biais de la Plateforme Ivoirienne pour le cacao durable et la Plateforme de la société civile ghanéenne pour le cacao.
« Nous soutenons pleinement cette action et les raisons invoquées pour le boycott. Nous pensons qu’il est grand temps que le monde reconnaisse la politique de deux poids deux mesures des multinationales du cacao et du chocolat, notamment en ce qui concerne la fixation des prix du cacao et la détérioration des conditions de vie des cultivateurs de cacao en raison de leurs intérêts égocentriques et de leur quête de maximisation des profits sans aucune volonté de répartir les bénéfices le long de la chaîne de valeur. », ont déclaré dans un communiqué les deux plateformes.
Les multinationales du chocolat perpétuent un modèle colonial
Alors qu’ils représentent à eux seuls 65% de la production mondiale de cacao, les producteurs ivoiriens et ghanéens gagnent moins de 6 % du revenu total de l’industrie du chocolat, estimé à 130 milliards de dollars par an. Et plus le temps passe, plus la situation s’empire. Quand les industriels engrangent les superprofits, les producteurs eux, sont paupérisés.
« Par exemple, selon Fairtrade, lorsque les prix du cacao étaient élevés dans les années 1970, les producteurs de cacao gagnaient jusqu’à 50 % de la valeur d’une barre de chocolat. Ce chiffre est tombé à 16 % dans les années 1980 et, aujourd’hui, les agriculteurs ne reçoivent qu’environ 6 % de la valeur. Cela a entraîné des niveaux élevés de pauvreté et de difficultés pour les producteurs de cacao des deux plus grands pays producteurs de cacao au monde. Aujourd’hui, les producteurs de cacao ne vivent pas, ils ne font que survivre. »
Plateformes de producteurs ivoiriens et ghanéens
Directement indexés par les producteurs de cacao, les multinationales sont accusées de refuser de payer le prix juste : « Ce qui est encore plus décourageant, c’est que le Ghana et la Côte d’Ivoire sont contraints par ces multinationales de vendre leurs fèves de cacao en dessous du prix du marché en vigueur, prix du marché qui lui-même déjà réduit. Elles ont également utilisé des tactiques de marché déloyales, telles que les mécanismes de différentiel d’origine négatif, pour appauvrir davantage les petits producteurs de cacao locaux en leur retirant les primes nationales tout en prétendant payer le différentiel de revenu décent (DRD) introduit il y a environ deux ans ».
Dans un tel contexte, les assises de la Fondation mondiale du cacao, une organisation à but non lucratif regroupant les multinationales du chocolat comme Nestlé, Hershey, des grands industriels comme Olam International et Cargill ou encore des détaillants comme Starbucks, sensée lutter contre le travail des enfants dans la production de cacao, la déforestation liée à la culture du cacao et l’extrême pauvreté affectant de nombreux petits producteurs, s’apparentent à une mascarade. Une opération de relations publiques visant à donner bonne conscience aux grands groupes et à soigner leur image devant le grand public. Mais l’hypocrisie générale est cette fois dénoncée par les États. Côte d’Ivoire et Ghana ayant décidé de se joindre aux producteurs dans leur lutte pour être payés au prix juste.
Mais alors que les supermarchés ivoiriens étaient en pénurie de chocolat aux heures les plus sombres de la pandémie de Covid-19 et que les enfants ivoiriens et ghanéens se contentent de l’huile de cacao sur leur pain, les populations exigent la fin de ces absurdités avec la transformation par les pays producteurs de leur propre production. La meilleure façon de contrôler les prix et d’assurer un revenu décent aux cultivateurs.
Teria News