Épouse d’Oba Ozolua, la Reine-Mère Idia portera son fils Ésigie sur le trône en bravant ses rivaux politiques. Tout aussi redoutables, les ennemis du Royaume du Bénin durent aussi s’incliner devant ses qualités de stratège. Elle fut à l’origine de l’apogée du Royaume du Bénin.
La Reine Idia naquit dans le village d’Ugieghudu dans le royaume du Bénin, situé dans le territoire du sud-ouest de l’actuel Nigéria. Elle sera l’épouse du monarque ou Oba Ozolua qui régna de 1480 à 1504. De cette union naquit un fils : Ésigie. Malheureusement, le souverain décéda en 1504. Cet événement marquera l’entrée véritable de la Reine dans l’histoire du royaume, au travers de ses actions.
Une Reine partisane
En 1504, lorsque le souverain polygame Ozolua décéde, il laisse un différend sur sa succession, notamment entre ses deux fils Ésigie et Arhuaran, le prince né d’une autre femme. Dès lors, un conflit éclate entre les deux frères devenus rivaux.
Profitant de cette fragilité, les peuples voisins Igala envoyèrent leurs guerriers pour tenter d’arracher le contrôle des territoires du nord du Royaume du Bénin. Il s’ensuivit une véritable guerre civile qui fragilisa le Royaume.
Au milieu de tous ces conflits, la Reine Idia prit parti pour son fils Ésigie qui monta finalement sur le trône et remporta la victoire face à son frère. En renfort, elle lui envoya notamment toute une armée, mais elle participera également elle-même aux combats.
Ésigie prit le contrôle de la ville d’Edo qui correspond au territoire de l’actuelle ville de Benin City. Son frère Arhuaran, dût alors s’exiler à environ 30 kilomètres d’Edo où il fonda la ville d’Udo. Ésigie devint ainsi le seizième Oba du royaume du Bénin.
Le rôle essentiel de la Reine Idia ne se remarqua pas seulement au niveau de l’ascension de son fils Ésigie au pouvoir, mais elle apportera également beaucoup lors du règne de son fils.
La Reine au centre de l’apogée du Royaume
C’est au cours du règne de l’Oba Ésigie que le Royaume du Bénin atteignit son apogée et ce, sur plusieurs plans grâce à l’appui de sa mère.
En ce qui concerne l’art et la culture, la majorité des œuvres la représentèrent. Sur le plan militaire, le Royaume n’en était pas moins brillant. La Reine Idia était nommée Général d’armée par son fils, une première dans la région. Elle remporta plusieurs victoires. La plus connue fut celle d’Idah de 1515 à 1516. Selon certains explorateurs anglais, c’est avec l’aide de sa mère qu’une armée de vingt mille hommes, pouvant aller jusqu’à cent mille soldats si nécessaire, pouvait être mobilisée en une journée par le Roi Ésigie.
Enfin, sur le plan territorial, guidé par les ambitions impériales d’expansion de la Reine, Esigie opposa une farouche résistance à l’ennemi et réussit avec l’appui de cette dernière à rétablir l’unité et la force militaire du royaume du Bénin face aux attaques des peuples limitrophes. La Reine en effet, représentait le Roi dans certains villages. Elle avait notamment pour tâche de superviser le palais, les villages, les chefs et les domestiques, mission qui auparavant revenait exclusivement aux hommes.
Le grand crédit des victoires de l’Oba Ésigie reviennent à la Reine Idia. Pour la fêter et en reconnaissance de ce grand soutien, il créa le Titre d’Iyoba, c’est à dire de Reine-Mère et institua sa mère Première Iyoba, en reconnaissance de ses conseils politiques, pouvoirs magiques et connaissances médicales. Ces derniers en effet, furent considérés comme déterminants dans les succès d’Esigie. En outre, un palais dénommé le palais de la Reine-Mère lui fut construit. Enfin, les plus anciennes têtes de Reine en laiton ou en ivoire furent sculptées en son honneur et subsistent encore aujourd’hui. On y distinguait la tête de la Reine-Mère en bronze, les cloches en bronze, l’épée traditionnelle « Eben », le hochet en bois sculpté « Ukhurhe » et bien d’autres œuvres.
La date du décès de la Reine-Mère Idia n’est pas connue, mais sa tombe est située à Egua-Iy’oba sur la Lagos Road à Benin-City.
La Reine-Mère Idia honorée par la postérité
L’art du Royaume du Bénin est considéré comme l’un des plus raffinés au monde car exclusivement associé à la figure du Roi. Il est aujourd’hui représentatif de l’art africain du XVIe siècle. En outre, l’utilisation d’images symboliques de cet art se référant à la vie de la Reine-Mère, a permis d’identifier ses premiers contacts avec les colons portugais. Ainsi, les œuvres d’art du Royaume du Bénin sont-elles devenues les plus populaires au monde parmi l’histoire des Noirs. Conservées dans des collections privées ou dans des musées occidentaux d’envergure internationale tels le Musée ethnologique de Berlin, le British museum à Londres, elles représentent l’un des plus grands trésors de l’humanité.
En outre, d’un point de vue féminin, la Reine-Mère Idia a inspiré les générations de femmes qui se sont retrouvées aux commandes après elle. À l’opposé des autres femmes du Royaume du Bénin avant elle, elle s’asseyait sur un trône, portant une épée ainsi que des vêtements ornementaux rouges et des perles. Sa coiffure, notamment en forme de cône arrondi recouvert de perles de corail, fut adoptée par les mères des futurs rois du Bénin.
Par ailleurs, la Reine-Mère Idia fut l’initiatrice de la danse « Ekasa », une danse spéciale qui fait partie des cérémonies royales jusqu’à ce jour en pays Edo. Enfin, si tous ces mérites peuvent donc lui être attribués, il faut relever que sa réputation découle surtout de sa férocité dans la défense de son fils car s’étant battue sans relâche à ses côtés, un peu comme pour sacraliser la dévotion familiale et filiale. Elle fait aujourd’hui partie des mères inoubliables qui ont réussi à laisser leur trace dans l’Histoire avec l’aide de leurs enfants ou parfois même à leurs dépens. Toutes choses bien précieuses en Afrique.
Maggy Lynn